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Comptes rendus d'expos

Exposition Le dessin sans réserve – Musée des Arts Décoratifs

Depuis la fondation de l’association MAD en 1882 le dessin est présent dans ses collections : il était collecté pour diffuser le bon goût et servir de répertoire modèle aux futurs artistes et industriels français. Naturellement ces œuvres graphiques apparaissent au fil des expositions organisées au Musée des arts décoratifs dans le pavillon de Marsan, mais aucune encore de cette ampleur n’avait été réservée aux collections graphiques dans leur ensemble. Près de 500 dessins issus des quelques 200 000 qui peuplent le « cabinet des dessins » sont visibles, avec une grande variété de thèmes, de techniques, d’artistes et d’époques.

Le choix fait par le commissariat de l’exposition est d’organiser la présentation des dessins par thèmes sous forme d’un Abécédaire grandeur nature : 26 thèmes sont donc proposés, allant de l’Architecture à la Zoologie en passant par le Décor, les Hybrides, l’Œuf ou encore la Vie parisienne. Le choix du format de l’abécédaire n’est pas anodin puisque l’organisation des collections de l’UCAD (Union Centrale des Arts Décoratifs) était alphabétique, un système de classement choisi pour sa neutralité qui permettait également une déclinaison de plusieurs thématiques par lettre : l’organisation de l’exposition est donc un clin d’œil à l’histoire des collections graphiques du MAD.

Cette quantité conséquente de thèmes permet de présenter un grand nombre de dessins au public, avec bien sûr des catégories plus fournies que d’autres. Trouver un thème correspondant à chaque lettre de l’alphabet n’est toutefois pas travail aisé, le résultat en est parfois étonnant :

Pour la lettre Q le mot « Questions » a été choisi : les dessins qui y sont présentés ont été à l’origine de doutes quant à leur attribution à un artiste, leur datation ou encore sur ce qu’ils représentent véritablement.

Les lettres X-Y ont été assemblées pour former la catégorie « X-Y masculin ? » qui nous présente des gilets masculins brodés accompagnés de dessins de modèles de broderie. L’explication quant à la catégorie est peu claire mais la qualité des dessins est remarquable.

Anonyme japonais, détail d’un katagami à décor de chrysanthèmes.
Ere Meiji, 1868-1912

Les œuvres choisies couvrent une aire géographique principalement occidentale avec essentiellement des artistes européens, parfois influencés par des tendances artistiques orientales comme les arabesques très présentes dans la partie «  Décor » de l’exposition. Il y a toutefois une thématique entière réservée aux artistes japonais avec la lettre K pour « Katagami », ces dessins réalisés avec des pochoirs de papier résistants à l’eau et découpés pour former le motif désiré.

Niccolo dell’Abate, Flore et 3 enfants
devant un paysage animé de figures.
Vers 1565-1571 ?

La période couverte par les dessins s’étend sur plusieurs siècles, principalement du XVIe au XXIe siècle avec un large panel d’artistes qui laisse beaucoup la place à des figures moins connues du public. On y rencontre des artistes comme le Parmesan, Watteau qui a sa propre catégorie, Boulle ou Dell’Abate, qui sont ainsi mis à l’honneur. Il est intéressant de voir exposés des dessins plus récents, notamment dans les catégories traitant du Décor, des Ensembliers ou du Mobilier. Une évolution du goût dans ces domaines s’illustre ainsi avec l’exemple de Jean-Paul Jungmann, artiste de la fin du XXe siècle, qui a lui-même fait don de ses œuvres au musée ; on peut aussi retenir des œuvres du fonds Emilio Terry, architecte du XXe siècle.

Les cartels sont nombreux au fil de l’exposition : ils introduisent les différentes thématiques du parcours et permettent aux commissaires de justifier certains choix d’œuvres exposées tout en présentant leur contexte de création, de commande ou leur artiste. Ces informations sont donc utiles pour permettre au visiteur de comprendre les choix muséographiques et, point positif, elles ne sont pas trop nombreuses, ce qui permet une visite fluide et agréable.

Section Œuf de l’exposition avec le
fauteuil Œuf de Jean Royère

Le choix scénographique est original : les œuvres sont accrochées sur des caisses de bois qui rappellent celles de transport ou de stockage dans les réserves, différence notable avec les cimaises habituelles, on pourrait presque se croire dans les coulisses du musée. La partie « Œuf » se démarque dans son organisation puisqu’on y retrouve l’emblématique fauteuil Œuf de Jean Royère au milieu d’aquarelles où il apparaît. Une démarche similaire se retrouve dans la partie « Séduire » avec la mise en parallèle de dessins de joaillerie et les pièces réalisées à partir de ces modèles.

Connaisseurs et amateurs trouveront leur compte au cours de l’exposition « Le dessin sans réserve ». Quelques explications techniques auraient été bienvenues face à la diversité des œuvres présentées pour satisfaire les plus curieux, mais ce n’était toutefois pas le propos central de l’exposition. Elle est ainsi un véritable enchantement pour les amateurs de dessin : elle est de la juste longueur, les styles et époques principaux étant représentés tout en laissant la place à des pièces moins connues qui font des collections graphiques du Musée des arts décoratifs une vraie mine d’or.

Le dessin sans réserve au Musée des Arts Décoratifs jusqu’au 31 janvier 2021

Pour aller plus loin : dossier sur la restauration de 200 dessins en amont de l’exposition : https://madparis.fr/francais/musees/musee-des-arts-decoratifs/collections/restaurations-1418/le-dessin-sans-reserve-un-chantier-de-restauration-d-une-ampleur-inedite/

Pour aller plus loin : présentation plus précise de l’exposition et extraits du catalogue d’expo : https://madparis.fr/francais/musees/musee-des-arts-decoratifs/expositions/expositions-en-cours/le-dessin-sans-reserve-collections-du-musee-des-arts-decoratifs/