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Cinéma

Dog Day Afternoon (Sidney Lumet, 1975) : sale temps pour un braquage

Brooklyn, 1972, Sonny Wortzik (Al Pacino) et son équipe de bras cassés tentent le braquage d’une banque d’épargne. Assez rapidement les choses tournent mal : Sonny et Sal (John Cazale) se retrouvent en tête à tête lorsque le troisième acolyte déguerpit, trop effrayé par les conséquences. Puis les braqueurs s’aperçoivent que les convoyeurs de fonds sont passés plus tôt dans la matinée…. Enfin la police encercle le bâtiment et voilà nos braqueurs embourbés dans leur maladresse. Il ne leur reste qu’une solution : négocier leur échappatoire par une prise d’otages.

Sal (J. Cazale) et Sonny (A. Pacino) se concertent, ©Dog Day Afternoon (1975), Sidney Lumet

Adapté d’un fait divers, Dog Day Afternoon de Sidney Lumet, raconte un braquage raté qui tourne en prise d’otages au dénouement spectaculaire. C’est la deuxième collaboration entre S. Lumet et Al Pacino après Serpico (1973).

Renommé en français « Un après-midi de chien », c’est une traduction inexacte du titre original qu’il faut plutôt comprendre comme « un après-midi caniculaire ». La chaleur participe à la tension ambiante. Les images chaudes, dans des tons ocres et une lumière crue, renforcent cette impression étouffante. A la manière d’un reportage, le film retrace les événements en parallèle de l’enquête menée sur Sonny et ses proches. Le montage rapide alterne entre intérieur et extérieur de la banque où la tension est palpable de chaque côté des barricades durant la douzaine d’heures qui s’écoulent.  

Parmi les otages une véritable sympathie s’installe envers ses personnages un peu ballots. Touchant et maladroit, loin du cliché du braqueur au sang-froid, la mise en scène est du point de vue de Sonny, qui, dans un élan de bravoure insouciante souhaite soulager les difficultés de son époux.se transgenre (Chris Sarandon).

Sonny met de son côté les badauds. Il provoque presque l’émeute lorsqu’il crie « Attica », référence à une mutinerie dans une prison liée à une bavure policière entraînant le décès d’un membre du Black Panther Party. La rébellion se clôt par une trentaine de morts du côté des prisonniers. Porté par la foule, Sonny tient tête aux policiers et aux journalistes avides d’images choc. 

Sonny (A. Pacino) prend la foule à témoin et provoque les forces de l’ordre, ©Dog Day Afternoon (1975), Sidney Lumet

≥Al Pacino incarne un des premiers personnages clairement perçu comme bisexuel et joué par une grande star. C’est un coup de poker car il casse son image virile acquise dans Le Parrain (F. F. Coppola, 1972) et met ainsi en danger sa carrière dans un pays encore conservateur. La représentation d’une femme transgenre et d’un homme bisexuel est un progrès pour l’époque. Ce sont deux identités peu portées à l’écran autant en 1975 que de nos jours. Evidemment, les critères de représentations d’une personne queer ne sont plus les mêmes. Généralement, les personnages codifiés lgbtqi+ incarnaient des personnages malveillants et négatifs. Ou bien ils personnifiaient des extrêmes comme l’extravagante Divine dans Pink Flamingos (J. Waters, 1972). Dans Dog Day Afternoon, le personnage de Sonny permet de sortir de ce cliché. Il est traité avec plus de profondeur et de complexité que dans d’autres films de l’époque.

Divine (©Pink Flamingos, J. Waters, 1972)

Cependant le personnage de l’époux.se de Sonny, Léon (Chris Sarandon), pose problème car son traitement ne respecte pas l’identité d’Elizabeth Eden, dont le film s’inspire. Les producteurs ont préféré choisir un acteur cisgenre plutôt qu’une femme transgenre pour incarner l’époux.se transgenre de Sonny. C’est une pratique malheureusement plutôt courante mais qui est plus difficile à accepter pour un spectateur du XXIème siècle.

Ils ont également fait le choix de présenter un personnage que tout le monde genre au masculin, tandis que Elizabeth Eden se genrait au féminin. Cela semble étrange pour un film qui se veut relater des faits réels. Il est probable que ce soit pour éclaircir et accentuer la bisexualité de Sonny. Mais cela crée un trouble quant à la transphobie ambiante, il est difficile de démêler les intentions de chacun et la perception que les personnages se font de la transidentité.

L’homophobie latente des autres personnages se fait également sentir : « I’m not a homosexual » s’indigne Sal face aux déclarations des journalistes.

Cette ambivalence non résolue laisse penser que les responsables des choix de réalisation sont eux-mêmes homophobes à cause de maladresses de représentation.

Il est un peu difficile de passer outre le traitement de Léon mais il faut saluer celui de Sonny. Comme dans Serpico finalement, Al Pacino incarne un outsider sympathique.  

En dehors de la fiction, John Wojtowicz, le véritable Sonny, écope de quelques années de prison. Grâce aux droits d’adaptation reversés par les producteurs, il a pu financer l’opération de réassignation de genre de son ex-compagne Elizabeth Eden. Tout est bien qui finit bien ?