Compartiment n°6
Les paysages glacials et archaïques de la Russie défilent sous les yeux de Laura, une jeune finlandaise. Pour relier Moscou à Mourmansk, tout au nord de la Russie, elle emprunte un train-couchette. Lauréat du Grand prix du Festival de Cannes, ce second long métrage du réalisateur finlandais Juho Kuosmanen est d’une beauté fascinante. Compartiment n°6 fait partie de ces films qui ne parlent de rien et qui séduisent autrement que par l’histoire qu’ils racontent. Ce voyage, Laura devait l’entreprendre avec sa petite amie russe Irina. Ensemble, elles devaient aller admirer les pétroglyphes de Mourmansk. Suite à un empêchement, ce voyage à deux s’est transformé en road-trip solitaire. Enfin pas vraiment. Quand elle arrive à sa voiture-couchette, elle découvre l’homme qui deviendra son compagnon de route pendant les quelques jours qui la sépare des pétroglyphes. Maladroit, souvent saoul, si Lioha n’est apparement pas le camarade de route idéal, il deviendra indispensable.
La rencontre que Juho Kuosmanen filme n’a rien d’un coup de foudre. Sa caméra toujours en mouvement et au plus proche des personnages, capte les détails, les rictus, les regards. Élancé à toute vitesse dans les décors enneigés, ce train devient un lieu où la discussion prime. Leur compartiment deviendra leur bulle. Ce mouvement constant se ressent aussi dans leurs déambulations. La caméra ne les quitte presque jamais. Des paysages désertiques aux bâtiments en béton, le ton est froid et bleuté. Mais ce train vétuste devient un lieu de chaleur, un lieu d’échange et d’attachement. Sur ce temps limité, ils vivent une relation à toute vitesse, de la rencontre aux adieux. Une idée assez universelle de la rencontre renforcée par le rejet de toute indication sur l’époque.
Les pétroglyphes tant attendus ne seront même pas perçus. Kuosmanen nous dit par là que jamais le but de ce voyage n’a été de découvrir Mourmansk. Laura devait réaliser que partager le même fuseau horaire qu’une personne ne signifiait pas être toujours proche d’elle. Elle devait entreprendre ce parcours pour se détacher du cocon dans lequel elle vivait. Lioha lui a appris de s’ouvrir. Initiatique peut-être, nécessaire sûrement, ce voyage restera gravé dans leur mémoire. Avec Compartiment n°6, le réalisateur signe une œuvre unique, pleine de lumière et de tendresse.