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Théâtre : Illusions perdues, représentation d’un Paris Houleux

Aujourd’hui nous allons parler de la pièce signée Pauline Bayle qui a ouvert la saison 2021/2022 au théâtre de la Bastille à Paris. La metteuse en scène adapte sur les planches un classique de la littérature : Les illusions perdues, d’Honoré de Balzac. Dans ce roman, l’auteur nous plonge dans le Monde de la critique journalistique parisienne de la fin du 18eme siècle : Lucien d’Angoulême, jeune poète en herbe rêve de faire succès et monte exposer ses talents à Paris. Pour parvenir à ses fins, il va entrer dans l’univers de la presse et devenir journaliste.

À l’apparence du drame naturaliste, l’adaptation de la metteuse en scène nous laissera sur un goût amer de tragédie.

Jeudi 30 septembre 20h40 : J’arrive avec quelques minutes d’avance pour la représentation. Les réceptionnistes indiquent aux spectateurs arrivés le chemin à suivre qui semble ne pas être celui supposé par le bâtiment. Je rentre alors dubitatif, sur l’espace scénique. (voir « entrée public 1 ») Ce dernier est limité par un carré de tissu au sol qui est bordé sur trois côtés par des rangées de chaises et de son dernier coté par un rideau de tulle noir.

Après quelques minutes d’attente on nous indique que les spectateurs vont être accueillis et qu’il nous faut garder le silence. C’est alors qu’une salle derrière le rideau s’illumine et que l’on découvre avec étonnement que nous avons été placés à même le plateau et que nous faisons face à la salle du public. On observe les gens s’installer sans qu’eux ne puissent nous voir.

© Hugo Lacroix

Le rideau tombe ensuite et le carré de scène se trouve donc entièrement bordés de spectateur. En scénographie, cette disposition spatiale se nomme un Quadri-frontale : Aucun échappatoire pour les comédiens, le regard du public est omniprésent. Parti pris intéressant pour représenter le personnage de Lucien, qui croule donc déjà sous les yeux interrogateur du spectateur, sous les yeux curieux de Paris.

La scénographe de P.Bayle, Fanny Laplane nous intègre alors concrètement dans l’espace dramaturgique. Le public devient toile de fond et même le spectateur le plus discret se joue figurant.

Inclure le public de cette façon est une manière pour la metteuse en scène de reprendre cette description naturaliste du parisien faite par Balzac, trois siècles auparavant. Comme dans ses écrits, celui-ci est mis à nu et devient acteur de cette « Comédie humaine ».

Illusions Perdues, La foule qui houle sur le personnage de Coralie, capture d’écran de la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=OknXNPp9a-Y&ab_channel=LeTangram

C’est pour la même raison que certain des comédiens rentre sur le plateau en se levant directement des strapontins. Et les différents personnages se répondent parfois depuis le dernier rang. Cette logique de parler par dessus le spectateur est une manière de l’inclure encore plus dans la narration.
Des débats endiablés entre journalistes, des écrivains qui titubent suite à une soirée arrosée, des comédiens éclairés à la façon de sculptures, un micro qui descend du gril, la scène prend la forme d’un ring où se joue les confrontations des protagonistes.

Ce spectacle est donc le parfait exemple pour introduire les lecteurs à la notion du rapport
scène / salle dans le domaine de la scénographie.
Il s’agit en réalité d’une notion élémentaire en terme de mise en espace, et il s’avère que Pauline Bayle nous fait une proposition en parfaite adéquation avec les notions du roman sur lequel la pièce se base : Un personnage en proie à la célébrité, qui cherche à se donner au regard des critiques, à s’exposer à celui du peuple mais surtout, qui s’y retrouve pris piège à un point de non retours, qui mettra en tension ses valeurs d’artiste intègre.

Illusions Perdues, Coralie interprétée par Charlotte Van Bervesselès, capture d’écran de la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=OknXNPp9a-Y&ab_channel=LeTangram