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Brésil : des élections sous haute tension

Une politique sociale satisfaisante sur le papier, tuée dans l’œuf par la versatilité et le conservatisme de Bolsonaro.

On le sait, Jair Bolsonaro a été élu en prenant à son compte l’exaspération de la population brésilienne et la méfiance de celle-ci à l’égard du pouvoir et des personnalités politiques dominantes, qui était notamment causée par de multiples scandales politiques touchant notamment l’ancienne présidente Dilma Roussef mais aussi Lula, comme on l’a dit plus haut. Si les volontés autoritaires et conservatrice de Bolsonaro étaient affichées dès le début, force est de constater que certaines des ambitions qu’il portait pour le Brésil était plus nobles : simplification de l’administration de l’État, baisse de la criminalité, pouvoir d’achat pour les plus pauvres et surtout une lutte farouche contre la corruption. Toutefois, une différence nette est présente entre les volontés politiques et idéologiques du président Bolsonaro. En effet, s’il dénonce, par exemple, l’opacité de l’administration de son pays et les luttes d’influence entre services publics, il s’avère que le président Bolsonaro n’a pas réellement tenu cette ligne politique audacieuse face au Parlement, visant une remise à zéro de l’État. Malheureusement la plupart des bilans politiques du président sortant s’articulent de la même manière : si Bolsonaro a su revaloriser les salaires des plus pauvres à son arrivée au pouvoir et notamment, la fameuse Bolsa Familia, dont le président Lula a été d’ailleurs un grand artisans, cette politique s’est vue obscurcie par le départ en croisade du président contre les Universités, marquant son hostilité contre un milieu qu’il qualifie de «gauchiste» et gelant les dotations de l’État. Cette politique a amené des milliers de brésiliens à sortir dans les rues, ce que Bolsonaro ne manqua pas de traiter avec un certain dédain.

Dès 2019, le bilan du président Bolsonaro est pointé du doigt : alors que la pandémie de Covid-19 n’a pas encore frappé le Brésil, des fissures émergent dans le gouvernement de son pays. Le président, officier de l’armée, semble quelque peu nostalgique du régime dictatorial du Brésil de 196 à 1985, et autorise même les soldats a commémorer le coup d’État du 31 mars 1964, lorsque le maréchal Castelo Branco, appuyé par la CIA, prend le pouvoir au Brésil. Cette pratique n’a pas franchement été bien vue par une partie de la population brésilienne. Enfin, le bilan environnemental n’est guère plus reluisant : en 2021 ce sont 13000km² de forêt qui ont disparu, résultat d’une politique réputée très proche des groupes agro-alimentaires au Brésil, une pratique qui est le lourd tribut de la sécurité alimentaire des brésiliens.

Malgré ce bilan, des dynamiques pouvoir/opposition peu convaincantes

Dire que les élections brésiliennes promettent d’être sous tension est un euphémisme. Au fur et à mesure que l’échéance approche, le président Bolsonaro semble de plus en plus se replier sur lui-même. Cherchant l’appui de l’Église évangélique du Brésil, qu’il semble obtenir, le président sortant resserre son étreinte sur le pouvoir. Il injecte en urgence de l’argent publique pour les plus modestes, même si cela demeure une pratique de plus en plus fréquente à l’approche des élections.

Par ailleurs, si l’on s’intéresse au bilan criminalité de Bolsonaro, il apparait que celui-ci est tronqué. En effet, si la criminalité semble avoir continuellement diminué depuis l’arrivée de Bolsonaro au pouvoir, ces chiffres seraient faussés d’une part avec l’arrivée du Covid-19 dans le pays et sur les agressions de plus en plus fréquentes sur les femmes et la communauté LGBT. Par ailleurs, une telle politique de lutte contre la criminalité semble difficilement conciliable avec l’assouplissement de la réglementation des armes à feu que le gouvernement du président a permis. De surcroît, l’économie stagne et le Brésil est de moins en moins prisé en destination touristique.

Mais qu’en est-il de l’opposition ? En 2020, les élections municipales, un enjeu majeur au Brésil n’ont pas laissé un grand souvenir au parti travailliste. La clé serait de former une alliance entre les nombreux partis centristes plus ou moins libéraux que compte le pays puisque certains soutiennent le gouvernement tandis que d’autres en sont farouchement hostiles. La tendance en 2020 était aux centristes pro-gouvernementaux. Plus récemment, il est clair que l’enjeu pour Lula est la gauche est le maintien de l’État de droit au Brésil, encore bien marqué par la dictature qui a pris fin il y a seulement quarante ans. Pour certains observateurs, Bolsonaro serait le fruit de cette histoire récente difficile et cet État de droit parait d’autant plus en danger que le président sortant laisse entendre avec de plus en plus de véhémence qu’il n’acceptera pas une éventuelle défaite. 

Pour Lula et l’opposition, la stratégie est à la fustigation du bilan du président Bolsonaro mais les Brésiliens sauront-ils choisir entre la réélection de ce président pu démocrate et au bilan mitigé, ou se tourner une nouvelle fois vers cette gauche dont les scandales ont terriblement déçu ? Pour le moment, les sondages donnent Lula en tête, l’enjeu étant de savoir si cette tendance se poursuivra jusqu’à l’annonce des résultats. Affaire à suivre dans les semaines à venir. 


https://www.la-croix.com/Monde/Au-Bresil-lelectorat-evangelique-coeur-campagne-presidentielle-2022-08-23-1201229868

https://www.sudouest.fr/environnement/bresil-jair-bolsonaro-est-une-mauvaise-copie-de-trump-estime-lula-12012596.php

https://www.france24.com/fr/20181009-electeurs-jair-bolsonaro-parti-social-liberal-legislatives-presidentielle-bresil-lula-pt-tr

https://www.lefigaro.fr/international/presidentielle-au-bresil-lula-reste-en-tete-mais-bolsonaro-reduit-l-ecart-20220819

https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/11/20/au-bresil-la-deforestation-de-l-amazonie-resultat-de-la-politique-de-jair-bolsonaro_6102924_3244.html

https://www.courrierinternational.com/article/election-au-bresil-jair-bolsonaro-veut-rester-au-pouvoir-a-n-importe-quel-prix-meme-par-la-force

https://www.courrierinternational.com/article/bilan-un-apres-bolsonaro-na-rien-fait-pour-le-bresil-si-ce-nest-le-detruire

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/cultures-monde/bresil-l-opposition-a-l-assaut-du-bolsonarisme-2828360

https://www.lemonde.fr/international/article/2022/08/16/bresil-lula-en-piste-pour-barrer-la-route-a-jair-bolsonaro_6138124_3210.html