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La baisse de la natalité a atteint un seuil record

Une baisse alarmante de la natalité à l’échelle mondiale

La population française n’a jamais si peu procréé depuis 1946, et cette situation a de quoi inquiéter. Didier Breton, professeur de démographie à l’université de Strasbourg et chercheur associé à l’Institut national de démographie, parle d’une baisse des naissances régulière et durable « exceptionnelle ».
Ce constat n’est pas isolé, James Pomeroy, économiste chez HSBC, conteste les prédictions des Nations unies, qui jugent que la population mondiale atteindra son pic vers 2080. Il place ainsi ce dernier plutôt vers 2043, et l’explique par le fait que, dans une population déjà vieillissante, le recul du taux de fécondité provoque de manière précipitée la réduction du nombre de naissances.


Selon l’ONU, la fécondité moyenne de la population mondiale, qui était de 5 enfants par femme dans les années 1950, est passée à 2.3 en 2021 et atteindra un taux stable de 2.1 vers 2050. Cependant, les statistiques récentes tendent à dire que ce recul serait plus rapide et plus important que prévu. Une étude de l’Université de Washington prévoit, quant à elle, que la population mondiale atteindra son pic à 9.7 milliard vers 2064.

Pourquoi les gens font-ils de moins en moins d’enfants ?

On peut tout d’abord expliquer ce phénomène par des raisons contextuelles. Le climat de tension – lié notamment à la pandémie, la guerre en Ukraine, la hausse des prix ou le réchauffement climatique – créé nécessairement pour les couples certaines appréhensions liées au fait mettre au monde un enfant dans ces conditions.


D’autres considérations sont d’ordre plus personnelles, l’Institut français d’opinion publique a établi par un sondage qu’environ 30% des femmes ne désiraient pas avoir d’enfant. Selon la sociologue Catherine Scornet “L’enquête féconde de 2010 montre que ce sont les femmes diplômées célibataires qui se projettent le plus en dehors de la maternité. Elles ont une scolarité plus longue, elles s’investissent, elles s’épanouissent dans d’autres choix que la maternité. Alors que pour les jeunes femmes des classes populaires, avoir des enfants permet d’avoir une position sociale, de s’émanciper aussi de ses parents et, en quelque sorte, de prendre aussi son autonomie.”
En outre, ce sont dans les milieux féministes et écologistes, où l’on s’affranchit “du modèle liant intrinsèquement féminité et maternité”, que l’on a le plus de réticence à procréer.

Quelles sont les conséquences d’une telle régression ?

Si la baisse des naissances continue sur sa lancée, le premier impact que l’on pourra ressentir sera d’ordre économique. En effet, seront touchés tout d’abord les biens et services liés à l’enfant comme la vente de produits pour bébés ou de couches. Le secteur immobilier sera également bousculé, notamment par un besoin moins important de grands logements. Enfin, des milliers de naissances en moins vont de pair avec la fermeture de centaines de classes de maternelle (sauf si l’on décide de maintenir les investissements publics pour améliorer la qualité de l’éducation et, par exemple, limiter le nombre d’enfant par classe).

Une autre thématique, non moins capitale, concerne l’équilibre des comptes sociaux. En effet l’équilibre du ratio actifs-retraités repose essentiellement sur la solidarité intergénérationnelle. Par exemple, comme le souligne Anne Salles, démographe et maîtresse de conférences à la Sorbonne, un rapport de l’ONU a montré que si l’Allemagne voulait stabiliser ce ratio en recourant uniquement à l’immigration, il devrait accueillir 175 millions de personnes d’ici 2050.

Les gouvernements tentent par tous les moyens d’améliorer leur politique familiale : certains augmentent les aides financières pour les familles, quand d’autres adoptent des méthodes peu conventionnelles, telles que l’utilisation d’intelligences artificielles pour faciliter les relations sociales au Japon. D’autres encore font appel à des politiques carrément intrusives, comme l’interdiction de la stérilisation et la restrictions des moyens de contraception en Iran. Mais, de manière générale, les politiques natalistes ne sont pas très efficaces et conduisent facilement à des accidents démographiques – ce qui se vérifie par exemple avec l’ancienne politique de l’enfant unique en Chine.

Si ces solutions ne marchent pas, un moyen de financer les systèmes de retraite est de recourir à l’immigration pour contrebalancer la “pyramide des âges”. En effet, il est prévu que la part de la population africaine dans la population mondiale augmente grandement, avec une proportion considérable de jeunes. Ces derniers sont d’excellents candidats à l’émigration vers des pays possédant une économie attractive. Cependant il n’est pas impossible que l’évolution de l’économie mondiale limite le recours à cette solution.

La situation en France n’est pas aussi alarmante que celle du Japon, mais plusieurs voix s’interrogent sur l’absence de projets ou d’une quelconque politique nataliste. Selon François Bayrou : “Nous sommes le seul pays du monde où les retraites dépendent autant de notre démographie. Si la France ne se pose pas cette question, elle est gravement coupable contre elle-même”.


Karyn Nishimura et Bruce de Galzain, “Natalité : la diminution continue des naissances au Japon et en Italie”, France Info, Publié le 02/03/2023, URL :
https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-club-des-correspondants/natalite-la-diminution-continue-des-naissances-au-japon-et-en-italie_5661119.html

Philippe Rioux, “DOSSIER. 723 000 naissances seulement en 2022 : la France face au défi d’une natalité en baisse”, La Dépêche, Publié le 07/02/2023, URL :
https://www.ladepeche.fr/2023/02/07/dossier-723-000-naissances-seulement-en-2022-la-france-face-au-defi-dune-natalite-en-baisse-10979527.php

“Baisse des naissances en France : « Les temps de crise incitent les couples à faire moins d’enfants », explique une chercheuse”, France Info, Publié le 17/01/2023, URL :
https://www.francetvinfo.fr/sante/grossesse/baisse-des-naissances-en-france-les-temps-de-crise-incitent-les-couples-a-faire-moins-d-enfants-explique-une-chercheuse_5608406.html

Romarik Le Dourneuf, “Chute des naissances : Mais pourquoi les Français ne font-ils plus de bébés ?”, 20 Minutes, Publié le 17/01/23, URL :
https://www.20minutes.fr/societe/4019232-20230117-nombre-naissances-2022-atteint-niveau-historiquement-bas-france

Emmanuelle Lucas, “Baisse de la natalité, quelles conséquences pour demain ?”, La Croix, Publié le 26/03/2021, URL :
https://www.la-croix.com/France/Baisse-natalite-quelles-consequences-demain-2021-03-26-1201147890

Richard Hiault, “La population mondiale risque de diminuer de moitié d’ici à 2100”, Les Échos, Publié le 24/08/22, URL :
https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/la-population-mondiale-risque-de-diminuer-de-moitie-dici-la-fin-du-siecle-1783516

Elsa Anghinolfi/Mélanie Ohayon, “L’humanité à l’aube du déclin démographique”, L’Humanité, Publié le 19/02/22, URL :
https://www.rts.ch/info/monde/12835133-lhumanite-a-laube-du-declin-demographique.html

“La Chine, pays le plus peuplé du monde, a vu sa population baisser pour la première fois en plus de soixante ans”, Le Monde avec AFP, Publié le 17/01/23, URL :
https://www.lemonde.fr/international/article/2023/01/17/la-population-chinoise-baisse-pour-la-premiere-fois-en-plus-de-soixante-ans_6158129_3210.html

“Limiter les naissances pour sauver la planète : l’appel alarmant de 15.000 scientifiques est-il justifié ?”, TF1 Info, Publié le 15/11/17, URL :
https://www.tf1info.fr/societe/limiter-les-naissances-pour-sauver-la-planete-l-appel-alarmant-de-15-000-scientifiques-est-il-justifie-2070410.html