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Cher Planning familial.

Au Planning , on sait que des hommes aussi peuvent être enceints. Victime d’attaques transphobes de la part d’élus de droite et d’extrême droite, interrogé par certains à gauche, le Planning familial réaffirme son engagement pour la défense d’un droit pour tous.tes à disposer librement de son corps. 

Une association liée au mouvement féministe. 

Association ayant pour mission de promouvoir les droits reproductifs (droit à l’avortement, accès à la contraception…) au nom de l’autonomie personnelle, le Planning familial lutte pour la garantie d’une égalité des droits entre les femmes et les hommes. Lieu d’accueil ouvert à tous.tes, il permet d’une part d’accéder aux services de santé sexuelle, et d’autre part de s’informer sur les questions relatives à la sexualité.  

Pourtant, la création d’une telle structure à la fin des années 1950 n’allait pas de soi : la loi du 31 juillet 1920 alors en vigueur interdisait le recours à l’avortement et à la contraception pour les femmes. Conséquence de cette loi dont l’enjeu était avant tout nataliste ?  L’impossibilité pour les femmes françaises de disposer librement de leur corps. Or, là est un des drames de la loi de 1920, puisque pour éviter d’être poursuivies en justice, nombreuses sont les femmes à avoir eu recours à des avortements clandestins à défaut d’accès à la contraception. Ces avortements, coûteux et souvent dangereux, ont été à l’origine de la mort de nombreuses femmes françaises dont la liberté sexuelle et reproductive était brimée par une loi en contradiction avec la pensée féministe qui s’est développée tout au long des années 60-70.

Dès les années 1960 donc, Le Planning familial s’est montré pionnier dans la défense d’un droit des femmes modernisé, par la promotion d’un accès à la contraception, puis par la défense d’un droit à l’avortement et à l’éducation sexuelle. Pour autant, l’institution a su s’adapter aux évolutions de la pensée féministe : désormais, il propose un droit d’accueil pour tous.tes sans considérations de genre, de sexe ou d’orientation sexuelle, et défendre un droit à la sexualité le plus inclusif possible. 

Une “safe place” menacée. 

Oui, notre accueil est inconditionnel. Oui, les personnes trans ont leur place dans notre mouvement. Rien ne peut justifier la violence des propos tenus depuis plusieurs jours à l’encontre de notre organisation et des personnes concernées (…) Les droits sexuels et reproductifs sont un tout : au Planning nous ne les hiérarchisons pas, nous nous battons tout autant pour l’avortement que pour la santé sexuelle des personnes trans ou encore pour l’accès des jeunes à l’éducation à la sexualité.

Si l’action reste centrée autour de la promotion et la protection de droits sexuels régulièrement menacés, le discours du Planning familial a quant à lui évolué vers plus d’inclusivité pour accompagner au mieux les personnes dans la maîtrise de leur corps et de leur sexualité. Cette approche, qui est aussi celle d’une partie du mouvement féministe actuel, n’en reste pas moins polémique pour certain.e.s  en ce qu’elle insisterait sur l’importance de la théorie du genre (identification socio-culturelle) au détriment de la notion de sexe biologique (organes génitaux masculin ou féminin). 

Dans une lettre ouverte adressée à Elisabeth Borne, et relayée par Marianne, Marguerite Stern et Dora Moutot dénoncent la “dérive idéologique” au sein du Planning familial. Selon elles, le slogan “Au Planning, on sait que des hommes aussi peuvent être enceints” est dangereux pour 3 raisons : parce qu’il nie la réalité biologique, parce qu’il invisibilise les femmes par le langage, et parce qu’il fait croire aux femmes qu’on peut naître dans le mauvais corps. Une vision du féminisme à rebours de celle revendiquée et défendue par le Planning familial, qui se veut être une “safe place” pour tous.tes. Comme il l’indique d’ailleurs sur son site internet, le Planning familial combat toutes formes de violences et de discriminations. Son communiqué de presse du 19 août réaffirme cette volonté.

La promotion d’une égalité de droit(s).

Par delà la polémique suscitée par l’affiche du Planning c’est une réflexion sur la notion d’égalité des droits qui se dessine en creux. Comme l’a par ailleurs indiqué le Planning familial, cette polémique préoccupante donnera lieu à une réflexion sur l’accès aux droits des personnes trans, au sein de toutes les structures qui nous soutiennent. C’est aussi ce que pense Emmanuel Beaubatie, sociologue, chargé de recherche au CNRS et auteur du livre Transfuges de sexe, passer les frontières du genre (La Découverte).

Selon lui, les réactions pour la plupart indignées qui ont accueilli la publication de cette affiche manifestent « la volonté de contrôle » (social et politique) « des corps minorisés », à l’origine de violences et de discriminations à l’égard des personnes concernées. C’est d’autant plus vrai chez les personnes trans, en raison du parcours médicalisé accompagnant leur processus de transition. S’ensuit donc un rapport de méfiance et de défiance, et avec lui, un accès à la santé sexuelle et reproductive en demie teinte : un homme trans ne peut avoir accès à la PMA, ainsi que l’a confirmé le Conseil constitutionnel lui-même le 8 juillet 2022 lors de l’examen de la loi sur la PMA. 

Or, « le Planning tente d’agir contre cela. Leur affiche porte non seulement un message d’égalité, mais aussi de santé publique ».Il s’agit moins d’une « question de genre », revendiquée par les détracteurs au Planning familial, que d’une question d’égalité de droits. L’idée derrière le slogan choisi par le Planning est de garantir un égal accès aux soins pour permettre à chacune et chacun de disposer librement de son corps. On est bien loin de toute « théorie du genre » comme l’affirment ses opposants, dont « la fonction est de rappeler à l’ordre social et sexuel »Et c’est ce que contre quoi le Planning familial lutte et luttera. 

Laurine Cordier


 1 Slogan d’une affiche du Planning familial , 18 août 2022.

2 Sebastien Chenu (RN, Vice-président à l’Assemblée nationale) critique sur Twitter l’obsession de tout déconstruire.

3 Mélissa Simon, Homme transgenre “enceint” : une affiche du Planning familial fait polémique (Midi Libre). Y est retranscrit les propos de Julien Dray, fondateur de SOS racisme et ancien membre du PS, qui dénonce le fait “ que l’on veuille forcer une société à accepter cela comme un aboutissement naturel devient aussi une forme d’intolérance”. 

 4 Faire ses propres choix sur son corps.

5  Lire le livre l’Évènement de Annie Ernaux ( TW : descriptions explicites ). 

6  La maternité heureuse pour reprendre le premier nom donné au Planning familial.

7  Communiqué de presse du Planning familial, 19 août 2022. 

8  Un exemple étranger : Cour suprême, 1992, Casey vs Planned Parenthood.

9  En France s’est posée un temps la question de la constitutionnalisation d’un droit à l’avortement, en réaction à la décision du 24 juin 2022 de la Cour Suprême des Etats Unis Dobbs vs. Jackson Women’s Health Organization revenant sur ce droit.

10  Tribune publiée sur le site de Marianne le 22 août 2022.

11  Les deux autrices sont accusées de transphobie par une partie des féministes. 

12  Voir également un article similaire de Alice Le Dréau, “ Le Planning familial dérive-t-il de sa mission ?”, La Croix, 21 août 2022. 

13

https://www-mediapart-fr.ezpaarse.univ-paris1.fr/journal/france/240822/affiche-du-planning-familial-ce-n-est-pas-une-question-de-genre-c-est-une-question-de-droit

14  Ibid.

15  Ibid.

16  Terme utilisé par Emmanuel Beaubatie dans son entretien.

17  Depuis 2016 et la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, les personnes trans peuvent demander à changer de sexe à l’état civil sans être stérilisées. Toutefois, l’évaluation psychiatrique obligatoire demeure. 

18  Terme employé par Emmanuel Beaubatie.

19  Emmanuel Beaubatie.

20  Ibid.