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Les élections fédérales de 2023 en Suisse: quels enjeux derrière ce scrutin ?

Le dimanche 22 octobre la Suisse connaîtra, comme tous les 4 ans, les élections fédérales qui détermineront la nouvelle composition du parlement fédéral. Ce dernier comporte deux chambres: le Conseil National, doté de 200 députés, et le Conseil des Etats, composé de 46 sénateurs, qui représente les cantons. Cet article a pour objectif de proposer un bref tour d’horizon des enjeux de ce scrutin, dont la France connait rarement les tenants et les aboutissants. 

Conseil National, Conseil des Etats et fédéralisme

La Suisse est un état fédéral, qui possède deux principaux niveaux de gouvernance : le niveau fédéral et le niveau cantonal. A ceux-là se rajoute un troisième échelon, moins influent, qui correspond au niveau communal. Les cantons, au nombre de 26, ont en charge des compétences ne rentrant pas en concurrence avec le niveau fédéral, comme par exemple l’éducation. A titre d’exemple, la Suisse possède donc 26 systèmes éducatifs différents. Le niveau fédéral est, lui, en charge de fonctions plus régaliennes, comme la politique étrangère, la sécurité, la défense ou encore la politique monétaire. 

Le Conseil des Etats, une des deux chambres du parlement fédéral suisse, a été conçu comme le représentant des cantons, et veille à ce que ces derniers soient à égalité, indépendamment de leur poids démographique ou de leur influence économique. Chaque canton y dispose d’un nombre de voix égal, représenté par deux sénateurs, à l’exception des 5 « demi-cantons » qui n’élisent qu’un seul sénateur. Un gros canton comme le Canton de Zurich, qui compte plus d’un million d’habitants, aura autant de poids que le petit canton d’Uri et ses 35 000 habitants. Le Conseil des Etats est donc l’un des marqueurs essentiels du fédéralisme. 

Si le Conseil des Etats se veut représentant des cantons, le Conseil National représente directement la population par une proportionnelle indirecte. Chaque canton dispose d’un certain nombre de sièges proportionnellement à la taille de sa population, Zurich aura donc 35 sièges quand Uri n’en aura que…1 ! Chaque canton a la garanti d’au moins un siège, puis il se voit attribuer un siège supplémentaire par tranche d’environ 40 000 habitants. Ces sièges sont répartis proportionnellement au vote de la population. 

Quelle évolution politique possible du parlement fédéral en 2023 ?

La Suisse a toujours été un pays majoritairement à droite au niveau fédéral. Le premier parti de Suisse au Conseil National depuis 1999, l’Union Démocratique du Centre (UDC), possède 53 sièges sur 200 (26% des suffrages). L’UDC est souvent classé politiquement comme se situant entre la droite dure, conservatrice et l’extrême droite. Le parti, qui avait enregistré une perte de 11 sièges en 2019 par rapport à 2015 compte bien faire mieux en 2023. Ce désir de revanche semble être appuyé par les sondages qui prévoient un regain de vitalité pour les listes UDC. Elles pourraient même décrocher quelques sièges supplémentaires. Durant la dernière législature, UDC s’est surtout fait connaitre pour ses positions conservatrices et anti-immigration. Un de ses derniers succès électoraux est l’adoption de la loi interdisant la burqa en 2021. Durant la pandémie, le parti s’est aussi démarqué en critiquant sévèrement la stratégie gouvernementale pour lutter contre le COVID-19. Par ailleurs, l’UDC, à la ligne anti-Union Européenne a obtenu, avec une partie de la gauche, la fin de la négociation des accords-cadres entre l’UE et la Suisse. 

Loin derrière l’UDC et ses 26%, le Parti Socialiste se positionne en deuxième position avec 17% des voix (soit 39 sièges sur 200). Le parti à la rose avait pourtant réussi à résister à la vague verte de 2019 en ne perdant « que » 2% des voix par rapport aux élections fédérales de 2015. Dans les sondages, le PS semble connaitre une légère amélioration en étant annoncé à presque 17.5% des voix, ce qui semblerait le conforter dans sa position de deuxième parti de Suisse. Cette seconde position est pourtant relative : le Conseil National étant majoritairement à droite, le PS est en conséquent un parti d’opposition, minoritaire, condamné à devoir trouver des compromis avec certains partis de droite pour avoir l’espoir de faire passer des propositions de loi. Malgré cette position minoritaire au parlement, le PS a tout de même connu quelques succès dans les urnes, surtout sur des initiatives au niveau fiscal, en réussissant à empêcher le vote de certaines lois. Le premier parti de gauche en Suisse n’a toutefois pas réussi à empêcher l’augmentation de l’âge de départ à la retraite des femmes en septembre 2022. Par ailleurs, le PS veut se placer comme le premier défenseur du pouvoir d’achat des suisses en luttant contre les effets de l’inflation, et contre l’augmentation des primes d’assurance maladie et la paupérisation d’une partie de la population découlant du renchérissement du coût de la vie. Sa proposition de création d’une caisse maladie unique avec des primes d’assurance maladie proportionnelles au revenu des habitants (actuellement, les habitants suisses paient tous le même montant de primes d’assurance maladie quel que soit leur revenu) semble trouver un certain écho au sein de la population. Un récent sondage de la RTS montre d’ailleurs que 80% de la population suisse était favorable à une telle proposition. Si le PS prend fortement position sur les questions de lutte contre les inégalités, il se fait toutefois plus discret sur les questions concernant l’Union Européenne, l’écologie ou même l’immigration. 

Le parti Libéral-Radical (PLR), parti de droite libérale parfois teintée de relents conservateurs, était sorti en troisième position en 2019 avec 15.1% des voix, soit 29 sièges sur 200, avec une perte de 4 sièges par rapport à la précédente législature. En 2023, le PLR ne semble pas pouvoir résister à l’inexorable montée du parti du centre-droit suisse : Le Centre. Talonné par ce dernier, le match pour la troisième place est serré. Le Centre, en recul continu depuis 40 ans, rêverait bien de revenir enfin comme troisième force politique du pays en dépassant le PLR. Le Centre, qui a la réputation d’être un « faiseur de majorité », possède donc le pouvoir de faire pencher la balance à gauche ou à droite au Conseil National.  

Si 2019 avait été l’année de la « la vague verte », 2023 risque d’être une année compliquée pour les partis écologistes. En 2019, le parti de gauche écologiste Les Vert.e.s était passé de 7.1% des voix en 2015 à 13.2% (soit 28 sièges), égalant ainsi le nombre de sièges du Centre (28 également). Si le PS s’est plutôt positionné sur les aspects liés à la précarité en Suisse, les Vert-es s’affichent comme premier parti défenseur du climat. Pourtant, les récents sondages annoncent une baisse de 2.5% des intentions de vote pour ce parti, ce qui pourrait leur faire perdre certains de leurs sièges. Quant au parti écologique de droite libérale, Les Vert’Libéraux, bien qu’il ait aussi connu une forte augmentation en passant de 4.6% à 7.8% des voix (soit 16 sièges) aux dernières élections, les sondages les plus récents annoncent une baisse modérée de 0.5 % des voix. 

Le Conseil National risque donc de se retrouver renforcé dans sa majorité de droite, qui s’explique par une montée en force de la droite dure, l’UDC, et de bons scores des partis de droite libéral et du centre. La gauche se retrouverait affaiblie avec un parti écologiste en baisse et un parti socialiste qui réussirait à sauver les meubles.Les élections du Conseil des Etats, chambre représentant les Cantons, sont beaucoup plus incertaines. Le système d’élection à la majorité des voix, habituellement en deux tours, prévaut dans la quasi-totalité des cantons. Ces élections sont donc beaucoup plus dépendantes des personnalités candidates. Il est d’ailleurs commun que les partis présentent leurs grandes figures politiques cantonales à cette élection afin de maximiser leurs chances d’être élus. Pourtant, sauf grande surprise, la majorité de droite au Conseil des Etats ne devrait normalement pas changer. 

Quels enjeux à l’issue des votations ?

Cette évolution probable de la composition du Conseil National risque d’engendrer une modification du Conseil Fédéral. Cette instance exécutive fédérale est composée de 7 conseiller-ères fédéraux censés représenter les différents rapports de force du Conseil National. Dans cette optique, le compromis est donc au centre du jeu politique suisse, les 7 conseiller-ères fédéraux devant trouver des terrains d’entente pour gouverner tout en affichant un devoir de collégialité. Actuellement l’équilibre du Conseil Fédéral est le suivant : 

  • 2 conseillers fédéraux UDC
  • 2 conseiller-ères fédéraux PS
  • 2 conseiller-ères fédéraux PLR
  • 1 conseillère fédérale Le Centre

Ce conseil devant être plus ou moins proportionnel aux forces politiques du pays et au soutien qui leur est manifesté, une modification du Conseil National pourrait donc modifier la composition du Conseil Fédéral. En effet, les conseiller-ères fédéraux sont élu-e-s par le Conseil National.

Ce sont les partis écologiques (Vert-es et Vert’Libéraux) qui affichaient à l’origine le plus d’ambition pour récupérer une des places des conseillers fédéraux PS ou PLR. Pourtant, la baisse annoncée de la vague verte devrait mettre à plat leurs ambitions. En revanche, Le Centre, s’il arrive en troisième place devant le PLR, risque bien de réclamer un second siège au Conseil Fédéral, à la place de celui d’un des membres PLR. S’il est donc très probable qu’aucun élu écologiste n’entre au Conseil Fédéral, il n’est pas impossible que le Centre réussisse à obtenir, moyennant une alliance avec la gauche, un nouveau siège au détriment du PLR.

Les élections fédérales en Suisse ont souvent l’air d’être synonyme d’une certaine stabilité politique du pays, la Suisse n’ayant jamais connu une majorité de gauche au niveau fédéral depuis sa création. Mais le plus grand parti de Suisse, l’abstention, risque également d’atteindre le même score qu’en 2019, aux alentours de 63 %. Moins d’un citoyen sur deux vote donc en Suisse, ce qui pose un problème certain de légitimité démocratique. 

Une réponse sur « Les élections fédérales de 2023 en Suisse: quels enjeux derrière ce scrutin ? »

Bonjour,
Je vous félicite pour cet article résumant bien les mécanismes électoraux ainsi que les enjeux des prochaines élections fédérales suisses.
J’aurais néanmoins un petit correctif à apporter concernant les primes d’assurance maladie.
Celles-ci ne sont pas identiques pour tous les suisses. Elles sont calculées par canton en fonction des dépenses effectives engendrées dans le canton.
Il a également pour chaque prime de base une variation en fonction de la franchise de l’assuré, plus la franchise est haute, plus la prime baisse.
Bonne continuation

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