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Se passer du glyphosate : utopie ou réalité ?

            Le glyphosate ou « glypho » pour les intimes, est régulièrement à la une des journaux, décrié par les uns, loué par les autres, le glyphosate est au cœur de nombreux débats. C’est tout de même l’herbicide le plus utilisé dans le monde. A elle seule, la France en a consommé 9 700 tonnes, sur l’année 2018 ! On le retrouve partout, dans l’air, l’eau, les sols, l’urine. Sa dangerosité sur la santé humaine et sur l’environnement fait débat. Un débat malheureusement trop souvent stérile. Car, au fond, on en parle beaucoup mais on n’en sait pas grand-chose. Partant du constat de mon ignorance sur le sujet, je me suis mis en tête de creuser un peu plus la question et de vous faire part de mes découvertes ! 

            Le glyphosate c’est quoi?

            Le glyphosate est une molécule de synthèse. Autrement dit, cette molécule n’existe pas dans la Nature. C’est le chimiste suisse Henri Martin qui l’a découverte en 1950. Le glyphosate sera ensuite produit par la tristement célèbre entreprise Monsanto à partir de 1974, pour un usage agricole. A l’heure actuelle, le glyphosate est classé « cancérigène probable » par le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer), mais l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), l’AESA (Agence Européenne de Sécurité des Aliments) et la FAO ( Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) ont estimé que par voie alimentaire, le glyphosate ne pouvait pas être cancérigène. Autrement dit, sa toxicité pour l’homme n’est pas avérée et son interdiction ne peut donc pas être proclamée.

            Et à quoi ça sert ?

            Le glyphosate est un herbicide efficace, peu cher et facile d’emploi. Il tue les « mauvaises » herbes pour faire simple. Plus précisément, c’est un herbicide total, un costaud auquel personne ne résiste, il éradique toutes les plantes sans faire de jaloux. Il est donc utilisé pour toutes les opérations de désherbage, que ce soit dans les jardins privés, les espaces publics ou dans les parcelles agricoles. En agriculture, il permet d’empêcher la repousse des plantes adventices (celles qui ne sont présentes naturellement). Plus récemment s’est développé un autre usage du glyphosate, en qualité de dessiccant. Dans ce contexte, il permet d’accélérer la maturation des cultures et ainsi de pouvoir avancer les dates de récoltes, dans le but de vendre à meilleur prix ou d’éviter des aléas climatiques. Son pouvoir dessiccant est notamment utilisé sur les cultures de blé, tournesol, colza, orge d’hiver, betterave sucrière, lentilles, Canola, lin, soja….)

            Mais alors ce glyphosate, il est si dangereux que ça ?

            Le glyphosate est une molécule qui se dégrade relativement vite. Il persiste pendant un an en moyenne dans les sols avant d’être dégradé. Assez peu mobile, il peut toutefois se retrouver dans les eaux s’il pleut peu de temps après l’épandage ou lorsque des particules de sols sont charriées par les eaux de ruissellement. Or, dans les écosystèmes aquatiques, il peut rester bien plus longtemps ! Autre problème, lors de sa dégradation par des bactéries, de l’AMPA, une autre substance dangereuse pour l’environnement est produite.

            Ensuite, le glyphosate présente un danger pour les êtres vivants à partir d’une certaine dose, essentiellement lorsqu’il est absorbé. Les tests de toxicité sur les lapins, rats et chiens ont montré des effets à partir d’une dose ingurgitée de quelques centaines de milligrammes par kilogramme et par jour [1] & [2]. Un humain de 70 kg pourrait donc être théoriquement exposé à 7 grammes de glyphosate par jour sans voir d’effets sur sa santé. Ces doses sont relativement importantes et la probabilité d’y être exposé plutôt faible. Cependant, il n’est pas aisé de savoir à quelles quantités de glyphosates les êtres vivants sont exposés car il est particulièrement difficile de détecter et de quantifier sa présence dans un milieu. De plus, la molécule présente un effet toxique à forte dose et persiste suffisamment longtemps pour être présente dans l’environnement toute l’année. Dès lors, si nous pouvons nous en passer, faisons-le ! D’autant plus que les « mauvaises herbes » ou « herbes folles », sont bien plus utiles qu’on ne le laisse entendre. D’autres modes d’agriculture en tirent d’ailleurs un grand profit ! [3]

            Comment on se passe du glypho ?

            Il existe une multitude de réponse, je ne vais vous présenter que les plus évidentes.

            Tout d’abord, certains modèles agricoles (agriculture biologique, agroécologie, permaculture) prennent en compte les adventices pour améliorer la qualité de leur sol puisqu’elles améliorent la structure du sol et augmentent sa fertilité. Une excellente connaissance des interactions entre plantes adventices et plantes cultivées permet d’éviter les phénomènes de compétition entre ses plantes que les agriculteurs conventionnels cherchent à éviter par l’utilisation de glyphosate.

            Il est aussi possible d’utiliser des couverts végétaux après la récolte qui vont, dans un premier temps, empêcher les adventices de pousser. Puis, en hiver ce couvert végétal va geler, disparaitre et ne nécessitera donc pas l’utilisation des herbicides pour réaliser le semi suivant.

            Ensuite, évidemment, le désherbage mécanique, la fauche, le paillage et autres techniques ancestrales sont tout à fait efficace. Seulement, elles demandent plus de main d’œuvre et donc un surcoût. La politique actuelle vise à produire en réduisant au maximum les coûts, or, sur le plan financier le glyphosate est plus rentable. Mais ce coût du glyphosate n’inclut pas tous les coûts indirects (impacts sur la santé, diminution des services rendus par les écosystèmes, baisse de fertilité des sols, coûts des traitements des pollutions…)

            Finalement, le glyphosate est une solution industrielle à un problème lié à l’agriculture industrielle. Repenser notre société et revenir à des modes de production plus raisonnée avec des agriculteurs plus nombreux, connaissant mieux leur environnement semble être la réponse la plus simple et la plus évidente à la problématique du glyphosate et à tant d’autres produits phytosanitaires. La seule raison d’exister de ces produits est de combler le déséquilibre des écosystèmes, déséquilibre créé par l’agriculture industrielle.

Sources :

[1] Fiche toxicologique INRS, Glyphosate n°273

[2] Picque Aymeric, 2016, Evaluation des impacts du glyphosate sur la santé humaine, Université de Picardie Jules Verne, Thèse n°3042    

[3] MOOC Malherbologie Herbes Folles de Paris Saclay, https://www.tela-botanica.org/2018/06/article8786/          

[4] Ressources, pour réduire et améliorer l’utilisation des produits phytosanitaires https://ecophytopic.fr/

Alexandre Lacou