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Jair Bolsonaro et la forêt amazonienne

Autrefois puits de carbone, la forêt amazonienne libèrerait aujourd’hui plus de carbone qu’elle n’en absorbe[1]. Selon plusieurs experts et activistes, la principale raison expliquant l’inversion de ce schéma est à trouver dans la déforestation[2].

Dans un article du journal Le Temps, Stéphane Bussard écrit : « Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2021, la déforestation de la forêt amazonienne s’est poursuivie à un rythme effréné : 13 325 km² de forêt ont disparu. (…) Il faut remonter quinze ans en arrière pour trouver des chiffres similaires. C’était l’époque où Luiz Inacio Lula da Silva était président »[3].

La cadence ne semble pas vraiment ralentir début 2022 : « ces derniers mois ont été riches en catastrophes touchant la forêt amazonienne. En janvier, la Colombie déclarait l’état d’alerte environnementale à Bogotá, envahi par les fumées venant des feux de forêts qui dévastaient le sud-ouest du pays. C’est plus de 10 000 hectares de forêts qui seraient partis en fumée, l’équivalent de la ville de Paris »[4]. Certains craignent que la saison plus sèche approchant soit une opportunité pour faire reculer encore davantage la forêt[5]. De même, la forêt atlantique, certes moins populaire, fait elle aussi l’objet d’une déforestation sans précédent. Selon la Fondation SOS Mata Atlantica, « La Forêt atlantique a perdu, entre novembre 2020 et octobre 2021, quelque 21.600 hectares, soit l’équivalent de plus de 20.000 terrains de football »[6].

De ce triste bilan – qui ne cesse de progresser -, un responsable est tout désigné : Jair Bolsonaro, le Président brésilien au pouvoir depuis le 1er janvier 2019. « Depuis l’arrivée au pouvoir du président d’extrême droite Jair Bolsonaro, en janvier 2019, la déforestation annuelle moyenne de l’Amazonie brésilienne a augmenté de plus de 75% par rapport à la décennie précédente. La Forêt atlantique ne conserve plus aujourd’hui que 12% de sa surface originelle, en raison de l’urbanisation des côtes brésiliennes, de la spéculation immobilière autour des grandes métropoles, et de l’extension de l’agriculture »[7].

A cela s’ajoute également une part de déforestation illégale. A ce titre, le Président de la République fédérative du Brésil a pris un décret « visant à augmenter le montant des amendes pour les délits environnementaux dans le but d’améliorer la protection de la forêt amazonienne »[8]. L’agence Reuters souligne que « ce décret, qui entre en vigueur immédiatement, est l’une des premières mesures concrètes prises par le gouvernement Bolsonaro pour renforcer la protection de l’Amazonie, après que le Brésil s’est engagé à mettre fin à la déforestation illégale d’ici 2028 lors de la Conférence des Nations unies sur le climat de Glasgow (COP26) »[9].

Il reste que c’est bien Bolsonaro et son gouvernement qui font l’objet d’une plainte déposée par l’ONG AllRise devant la Cour Pénale Internationale (CPI). Les requérants souhaitent obtenir la condamnation du Président et du gouvernement pour crimes contre l’humanité du fait de leur participation à la destruction de la forêt. Pour certains, la prospérité de cette plainte s’annonce difficile[10]. Mais pour l’ONG, il s’agit aussi de « faire monter la pression sur la CPI »[11]

A l’approche de l’élection présidentielle (qui doit se dérouler en octobre 2022), le sujet de la déforestation se mue en enjeu électoral. Le candidat Luiz Inácio Lula da Silva (« Lula »), ancien président de 2003 à 2011 et emprisonné de 2018 à 2021, suscite quelques espoirs pour freiner cette déforestation et affiche d’ailleurs son soutien aux populations autochtones qui résistent aux projets menaçant leurs terres[12]. Il s’agit notamment de projets de loi visant à légaliser certaines activité comme l’orpaillage[13]

Les problématiques évoquées ici ne sont en réalité pas propres au cas du Brésil. Sans doute ce dernier fait-il l’objet d’une médiatisation plus importante eu égard au symbole international que représente la forêt amazonienne. Pour autant, de nombreux pays connaissent de faits similaires. La sociologue Gaëlle Ronsin souligne que cela passe notamment (et préalablement) par une politique de « réduction des surfaces et au déclassement des aires protégéesCe mouvement, peu présent en Europe, se renforce ailleurs dans le monde, principalement depuis 2000, où 73 pays ont agi dans ce sens en retirant ou affaiblissant des protections sur plus de 500 000 km2. La majorité de ces modifications de statut a pour origine l’extraction industrielle de ressources »[14].

Pierre DAVID


[1] A. BAASNER, Amazonie : la déforestation atteint des sommets, La Croix (web), 13 mai 2022. 

[2] Ibid. Voir aussi l’ensemble des articles cités. 

[3] S. BUSSARD, La plainte contre Bolsonaro, une bataille autour de l’écocide, Le Temps, 21 mai 2022. 

[4] P. BELE, L’Amazonie est-elle menacée de disparition ?, Le Figaro, n° 24141, 4 avril 2022.  

[5] A. BAASNER, préc. 

[6] Brésil : moins connue que l’Amazonie, la Forêt atlantique subit de plein fouet la déforestation, Sciences et avenir (web), 26 mai 2022. 

[7] Sciences et Avenir, 26 mai 2022, préc. 

[8] Reuters (J. SPRING), Brésil: Bolsonaro augmente les amendes pour protéger l’Amazonie, Challenges (web), 25 mai 2022. 

[9] Ibid.

[10] Lire le propose de Yves Lador, dans Le Temps, 21 mai 2022, préc. 

[11] Ibid.

[12] A. VIGNA, Les indigènes du Brésil font entendre leurs voix, Le Monde, 15 avril 2022. 

[13] Ibid. Lire aussi : A. VIGNA, Au Brésil, de nouvelles menaces pèsent sur la forêt amazonienne, Le Monde, 17 mars 2022. 

[14] G. RONSIN, Protéger des espaces naturels : constat d’une efficience limitée et propositions pour changer de paradigme, Natures Sciences Sociétés 29, 3, 334-340 (2021).