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Agir (écologie)

Ecologie et infox : démêler le vrai du faux

L’écologie est un sujet très vaste qui traite de l’étude des milieux dans lesquels se développe la vie et des relations des êtres-vivants avec leur milieu et entre eux. De nos jours, les milieux naturels sont soumis à une très forte pression liée aux activités humaines. Il peut s’agir de leur destruction physique totale au travers de l’artificialisation des sols, ou partielle dans le cas de la déforestation par exemple. Nos activités peuvent également avoir pour conséquence une déstabilisation physique ou chimique du milieu. Physique avec le changement climatique par exemple et chimique au travers des multiples pollutions que nous générons (plastiques, métaux, pesticides, produits pharmaceutiques…).

Ces questions prennent de plus en plus d’importance à mesure que les sociétés humaines en subissent les conséquences (épidémies, diminution de la qualité des eaux, contamination de la chaine alimentaire, perte de fertilité des sols, érosion des sols…). Le passage à l’action parait donc indispensable. La grande question étant de savoir, COMMENT ? Or, face à un flux permanent d’informations tous azimuts, à la multiplicité des acteurs et des intérêts en jeu, il est souvent difficile de démêler le vrai du faux.

S’informer sur l’écologie à l’ère de la post-vérité

Peut-être n’avez-vous encore jamais entendu parler de ce concept, mais vous en avez certainement tous déjà conscience. La post-vérité traduit l’orientation des débats politiques qui cherchent avant tout à susciter une émotion au sein de l’auditoire quand bien même le discours irait à l’encontre des faits. Autrement dit, l’effet produit à plus d’importance que la recherche de la vérité. Plus largement, ce phénomène est très présent au sein de la plupart des médias mainstream qui cherchent avant tout à faire de l’audience. Or, il faut bien l’avouer, les faits et la réalité de la crise écologique ne répondent pas tellement aux critères ! De plus, chercher à s’approcher de la vérité, rester factuel, débattre sur des idées demande du temps et des efforts intellectuels qui ne sont pas vendeurs. L’immédiateté prime désormais.  

Dans ce petit jeu, la couverture médiatique de la crise écologique a beaucoup à perdre. Ce sujet, extrêmement complexe et grave, ne peut pas être traité correctement si l’objectif est de produire une information rapide et « sexy » à seule fin de générer de l’audience, sans mettre dans l’inconfort le spectateur.

Attention donc aux grands titres sensationnels de la presse écrite et aux plateaux télé sur lesquels se succèdent des pseudos spécialistes. Je mets ma main à couper que celui qui prétend vous expliquer les crises écologiques en 2 minutes n’est pas honnête !

Estimer la qualité d’un contenu sur l’écologie

Les premières choses qu’il faut faire lorsqu’on s’informe sur la crise écologique, comme pour n’importe quel autre sujet, c’est de croiser ses sources, se forger sa propre opinion, se poser la question du positionnement de l’auteur et de ses potentiels intérêts. Ce travail est d’autant plus indispensable en écologie que tous les acteurs médiatiques s’emparent de ces questions sans pour autant maîtriser les thématiques abordées.

De plus, les enjeux socio-économiques de la crise écologique sont importants, les discours sont donc très largement orientés. Chacun cherche à défendre sa position et ses intérêts. Il est donc toujours important lorsqu’on entend une information sur l’écologie de se demander à qui elle profite ? Par exemple, un discours très optimiste sur une source d’énergie, qui ne met pas dans la balance ses aspects négatifs est très douteux. La meilleure énergie reste celle que nous ne consommons pas puisque produire une énergie a un coût économique et environnemental. Ce coût n’est jamais négligeable et il implique nécessairement des sacrifices !  

 Ensuite, ce qui est important, selon moi, est la rhétorique employée. En particulier, l’écologie est souvent victime de l’utilisation massive de « concepts mobilisateurs » (cf LE pouvoir rhétorique, Clément Viktorovitch). Les concepts mobilisateurs sont des mots qui ne veulent rien dire en soi, qui ont un sens très large. Ainsi chacun peut se les approprier à sa façon, et leur donner le sens qu’il souhaite. Par exemple, lorsque Monsieur Macron dans une allocution au One Planet Summit nous dit « on sait où nous devons aller », nous sommes en plein dedans. En soi chacun croit à peu près savoir vers où aller, mais ces trajectoires sont loin d’être partagée par tous. Certains souhaitent adopter un mode de vie plus sobre, d’autres au contraire s’y refusent et voient dans l’émergence de nouvelles technologies leur nouveau salut, d’autres encore se disent qu’il vaut mieux profiter tant qu’il en est encore temps. Donc non nous ne savons pas vers où nous devons et voulons aller collectivement.

Les concepts mobilisateurs c’est aussi par exemple la « transition écologique », qui peut intégrer des « solutions » aberrantes pour les uns, extraordinaires pour les autres. Je pense par exemple aux énergies renouvelables, peu productives, intermittentes et très gourmandes en matières premières. Pour certains, les énergies renouvelables seraient une bonne solution. Dans ce cas précis, l’information intéressante n’est pas de savoir s’il faut faire une transition énergétique fondée sur l’utilisation des énergies renouvelables pour sauver le climat. L’information importante c’est celle qui vous dira quel est le coût environnemental de ces solutions, produisent-elles plus d’énergie que leur fabrication n’en demande, quel est le cycle de vie de ces outils technologiques ?

Finalement, un contenu très général sur les crises écologiques, sous format court et qui se refuse à entrer dans les détails, ne présente que peu d’intérêt. Ces questions requièrent un temps de réflexion qui n’est pas compatible avec le temps des médias mainstream qui ne vont généralement pas au-delà des lieux communs.  

Les sciences peuvent-elles nous aider ?

La science n’est pas une opinion, elle repose sur des connaissances. La parole d’un scientifique ne peut pas être mise au même niveau que l’opinion d’un chroniqueur… Malheureusement, il est bien plus difficile de défendre un argumentaire scientifique et d’exposer une connaissance que de convaincre l’auditoire par un coup de sang sur un plateau télé. Pour autant, il faut avoir conscience qu’il y a des choses que nous savons (la terre est ronde et se réchauffe depuis 1850, les événements météorologiques sont de plus en plus fréquents et puissants depuis quelques décennies, le niveau des océans augmente…) et d’autres sur lesquels les scientifiques travaillent sans pour autant avoir des certitudes (impact de la pollution chimique sur les écosystèmes, l’évolution du climat..).

Pour ces questions, nous utilisons des modèles et des statistiques qui nous permettent d’approcher la réalité sans pour autant la décrire parfaitement. Et soyons honnête il parait peu probable que nous soyons un jour capables de modéliser avec précision des systèmes aussi complexes que celui du climat ou de la biosphère. Pour autant, nos modèles sont suffisamment précis pour prédire avec une bonne confiance comment va évoluer notre climat de manière globale.

La matière brute de l’information scientifique se trouvent dans les articles publiés dans les revues scientifiques. Au contraire de la plupart des articles de presse, les articles scientifiques font l’objet d’une relecture par les pairs. Autrement dit, d’autres scientifiques travaillant sur le même sujet ont relu et corrigé le travail effectué. Ce qui garantit une forme de transparence et un niveau d’exigence permettant de considérer que l’article est de bonne qualité. Cependant, ces travaux, sont, la plupart du temps, difficilement accessibles aux non spécialistes. Mais je vous invite à écouter des conférences de vulgarisation données par ces mêmes scientifiques (recommandations : Françis Hallé, Gilles Bœuf, Jean Jouzel, Aurélien Barrau) qui sont nettement plus abordables. Autrement, il existe des vulgarisateurs sur internet qui effectuent un travail remarquable (Le Réveilleur, Dirty Biology sur YouTube).

Il est aussi possible parfois de voir des scientifiques apparaitre sur les plateaux télés. Malheureusement, comme nous avons pu le voir au cours de la crise covid, ils sont eux aussi victimes d’une mise en scène qui déforme leur propos jusqu’à le rendre inaudible. A ce sujet, je vous invite à écouter la passionnante interview d’Etienne Klein sur la chaîne Thinkerview. Il faut avoir conscience que leurs travaux sont éminemment complexes et que l’on exige d’eux des réponses très concises et simplistes. Malheureusement, la réalité n’est pas toujours aussi simple.

Je vais finir avec la citation qui m’a inspiré cet article :

Tout ce que nous entendons est une opinion et non un fait. Tout ce que nous voyons est une perspective et non la vérité 

Marc Aurèle

Alexandre Lacou

Sources :

Clément Viktorovitch, « Le Pouvoir rhétorique : Apprendre à convaincre et à décrypter les discours », éditions du Seuil.

Interview Etienne Klein, Thinkerview : « Science et société où va-t-on ? »