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RENCONTRE AVEC ÉRIC CÉNAT : metteur en scène et directeur du Théâtre de l’Imprévu

Éric Cénat fait partie de la compagnie « le Théâtre de l’Imprévu », depuis sa création en 1986. Zoom sur cet acteur culturel implanté à Orléans et qui a développé son action à l’international dès le début des années 2000.

Un homme de théâtre mais pas seulement…

Après une formation au Conservatoire d’art dramatique d’Orléans, Éric Cénat fut diplômé d’une maîtrise d’histoire contemporaine.

Il participa à la création du Théâtre de l’Imprévu, avec lequel il joue depuis trente-sept ans maintenant. Dans cette compagnie professionnelle, il est metteur en scène, adaptateur et également comédien. Il a par exemple mis en scène en 2018 La Ménagerie de verre de Tennessee Williams du Studio Théâtre d’Asnières. Il enregistre également des pièces avec France Culture. Avec Patrice Delbourg, ils ont créé « la lecture idéale », un projet de lectures théâtralisées.

Éric Cénat travaille également avec le milieu scolaire : il met en place des classes culturelles pour les élèves de primaire, des ateliers de pratiques artistiques avec des collégiens et des lycéens et des ateliers d’expression avec des étudiants. Il intervient auprès du milieu carcéral dans le cadre de stages de lecture à voix haute. Il œuvre aussi dans le milieu associatif avec l’organisation de débats, de conférences, et de recueils de témoignages.

L’ouverture sur le monde

Éric Cénat intervient régulièrement à l’étranger, et surtout en Europe. Il transmet et partage sa passion pour la poésie, l’histoire, la beauté des textes et de la langue française avec des élèves, des professeurs mais aussi avec le public local des pays dans lesquels il organise des actions culturelles. On peut citer entre autres la République Tchèque, l’Allemagne, la Grèce, l’Ukraine et le Maroc.

Entretien exclusif : au cœur du dialogue des cultures

Comment est née cette dimension internationale ? Était-ce inscrit dès le début dans la création de la compagnie ?

Cette dimension internationale est venue un peu au fur et à mesure. Elle n’était pas inscrite au départ. La compagnie est un peu ancienne, 1986. C’est un long parcours. Quand j’ai commencé, il n’y avait pas tellement l’idée d’aller jouer à l’étranger. La première fois, c’était en 1994, le spectacle des Amours de Jacques Fataliste, d’après l’oeuvre de Diderot : on a eu l’opportunité d’aller jouer en français dans un théâtre à Francfort pendant une semaine. C’était formidable. On devait ensuite continuer à travailler avec Francfort et à la foire du livre mais cela ne s’est pas fait. Ça c’est un peu arrêté brutalement. 

Ma sœur, Hélène, travaillait à l’Institut Français d’Hambourg. Elle m’a dit qu’il y avait de la programmation théâtre. Ce n’était pas tellement officiel. J’ai été très bien accueilli. Il m’a alors été faite la proposition de jouer un spectacle qui s’appelle Boris et Bobby, du cabaret qui met à l’honneur la richesse de la langue française, sa diversité, ses jeux de mots, c’est musical. On remplissait tous les critères, on était deux, c’était très simple. C’était un énorme succès, quelque chose qui nous a un peu dépassé. Un spectacle qui marchait très bien en France, mais là c’était formidable. A Hambourg, on m’a proposé de continuer, d’aller dans d’autres Instituts Français. On a été à Hambourg et en Allemagne plusieurs fois. On commençait à avoir cette petite carrière allemande. Puis une personne rencontrée à Hambourg connaissait quelqu’un de l’Institut Français en Pologne…

De fil en aiguille, on a commencé à vraiment penser international. Ce qui n’était qu’une « opportunité familiale » est devenue vraiment quelque chose de plus sérieux. On a fait une grande tournée en Pologne, en Slovaquie et en Hongrie, toujours avec Boris et Bobby. Et là, ça m’a donné le contact véritable avec les Instituts Français, on était vraiment piloté par les Instituts Français, comme en Allemagne, mais sur trois pays, et c’était passionnant. 

Au même moment, en région Centre, arrive une nouvelle responsable du spectacle vivant, une femme qui a travaillé en Hongrie, qui connaît bien ce pays et qui trouve formidable ce qu’on est en train de faire. Elle nous aide financièrement : la région commence à nous aider pour nos tournées, pour nous aider à nous lancer à l’international. C’est un point absolument déclencheur. La genèse se situe donc là : début 1994 et début des années 2000.

Boris et Boby © Le Théâtre de l’Imprévu

D’imprévu en imprévu… Sur la langue française. Il y a eu des spectacles en langue française mais aussi bilingues, comme au Maroc avec Nous Antigone, ou bien actuellement avec un spectacle autour de l’oeuvre de Kiki Dimoula. Est-ce que cela vous tient à cœur ? Quel est ce rapport à la langue ? 

On est obligé d’aller un peu plus loin dans l’histoire pour bien comprendre : à partir du moment où l’on faisait des tournées, mon idée c’était d’aller dans les villes, et que, durant une journée, je travaillais avec des élèves en théâtre. Donc c’était avec des élèves allemands, slovaques, polonais… On faisait une journée théâtre et avant ou après le spectacle, on faisait des master class. Je me suis alors dit qu’il y avait quelque chose qui me plaisait bien, j’adorais ces cours. Je trouvais ça génial, il fallait que je m’adapte beaucoup : les élèves parlaient qu’un peu français. C’était toujours ludique et joyeux. Il y avait toujours pour moi forcément la découverte d’une langue. Fort de cela, j’avais aussi une frustration qui était de me dire : on reste 48h dans une ville puis l’on s’en va et c’est fini. 

Avec ma compagnie, on a proposé à la région Centre de faire un vrai projet : on va alors non pas rester une journée dans une ville mais pratiquement un mois pour monter un spectacle avec des jeunes lycéens. La région Centre a dit  : c’est super votre idée mais il faudrait que vous soyez liés à une région qui est jumelée à la région Centre Val-de-Loire. Il y a 8 ou 9 régions jumelées. Je me suis attaché à la région de Pardubice qui est en République Tchèque. Donc le projet était d’aller pendant une semaine par mois pendant quatre mois, du lundi en vendredi, avec les élèves. Il y avait vingt jours de répétition. J’avais choisi un spectacle. On le créait, répétait et jouait. C’était en 2007/2008, la première fois. 

C’était financé par la région Centre Val de Loire, c’est un dispositif très intéressant : « Aux Arts Lycéens et Apprentis ! », qui permet à des lycéens de région Centre Val-de-Loire d’avoir accès à un artiste sur une saison. On a été le premier projet qui a été placé à l’étranger, dans une région partenaire. Je proposa de travailler sur Antigone, un texte qui plaît beaucoup, vraiment lié à la jeunesse. On était en 2008, le quarantième anniversaire de 68, l’invasion par les chars soviétiques, la jeunesse qui se révolte, c’était tout à fait intéressant. J’ai donc proposé ça aux jeunes. Au début, ils étaient un peu surpris, ils voulaient travailler sur des sketchs. Je leur ai dit qu’on allait travailler en français et en tchèque. Mon idée c’était vraiment d’avoir les deux langues : jouer les scènes en français et le chœur sera en tchèque. Le premier spectacle s’est appelé Moi, je dis non et il était vraiment bilingue. Le rapport a la langue s’est fait comme ça. 

Mon idée était vraiment d’avoir les deux langues

La responsable m’a ensuite proposé de continuer en République Tchèque, et en 2012/2013 d’aller au Maroc et de faire un projet similaire. Je n’avais rien choisi au départ. Mais les enseignants marocains m’ont demandé sur quoi j’avais déjà travaillé : ils ont retenu Antigone. On était en plein Printemps arabe et ils m’ont alors dit « non, non, c’est intéressant, c’est au programme du bac de cette année ». Et là, bien sûr, j’ai eu envie de le reproduire avec la langue arabe. C’est-à-dire que l’on a mélangé la langue française et la langue arabe. 

Cela été une expérience très forte avec ces jeunes gens mais aussi une expérience très douloureuse pour moi, très compliquée. C’était épouvantable la façon dont j’ai été menacé, humilié. La corruption… Mais le spectacle était magnifique.

Et comment était alors le rapport avec les professeurs et les élèves ?

Le rapport était formidable, j’ai compris que c’était un havre de liberté pour eux. Bien sûr, ils nous avaient mis dans la plus petite salle possible, les élèves étaient recroquevillés les uns sur les autres, garçons, filles. Mais il y avait un moment de grande liberté pour eux. Ils étaient treize : huit filles, cinq garçons. Des jeunes gens hyper investis, plein de vie, ils étaient extraordinaires. Comparé au monde des adultes qui était épouvantable, hypocrite, terrible… Eux, c’était tous des Antigone. On a fait un super spectacle. C’était magnifique. On l’a fait à l’IF de Meknès, on a cloué le bec à ceux qui nous avaient vraiment mis des bâtons dans les roues. Mais ça a été un prix très cher à payer, notamment pour eux.

J’ai compris que c’était un havre de liberté pour eux.

Combien de temps vous restiez sur place ?

J’y suis allé six ou sept fois sur place. J’y allais vraiment avec l’angoisse.

L’Institut Français a-t-il aidé ?

Heureusement qu’ils étaient là. Heureusement qu’on a pu le faire à l’IF. Car c’était les autorités marocaines éducatives qui devaient trouver une salle. Et bien sûr, ils en n’ont pas trouvé. J’ai dû me réfugier à l’IF, ce qui était mal vu par les autorités marocaines, car on était sur un territoire français. Et à l’IF, à Meknès, une magnifique salle avec un bon éclairage, un bon son… Le rendu était formidable. Très valorisant pour les jeunes gens. Il y a eu 300 personnes, on a joué deux fois.

Quelles types de menaces subissiez-vous ?

C’était des menaces islamistes, car je montais Antigone et Antigone est amoureuse d’un garçon. Et l’on m’a demandé clairement d’enlever la scène avec Hémon. Ce que je refusais de faire. C’était des menaces : j’étais sous protection quand même. C’était en 2012-2013, donc il faut imaginer maintenant la difficulté.

Le jour de la représentation, il y avait plusieurs jeunes filles qui se passaient le rôle d’Antigone. Celle qui jouait avec la scène d’Hémon, que j’avais traité de façon attentionnée, délicate, en plus, ce n’est même pas une scène d’amour mais de rupture. Elle est amoureuse d’Hémon mais elle lui dit non : « je m’en vais, il faut que je parte vers mon destin ». Elle chantait extraordinairement bien. A la fin de la première représentation, elle a dit j’arrête le spectacle, mon copain m’a traité de « pute ». Il a fallu la consoler, la remobiliser. Elle a été une vraie Antigone, elle a dit non a son copain, elle a payé. 

La langue arabe est, je trouve, magnifique. Donc j’étais hyper content d’avoir fait ces jeunes gens en arabe et en français. J’avais demandé aussi d’avoir du Houde, il y avait aussi une dimension orientale dans la mise en scène.

Avez-vous déjà fait des projets à l’international avec des artistes professionnels ?

En République Tchèque, j’ai aussi, en effet, fait des mises en scène professionnelles, j’ai travaillé avec des artistes, comédiens, scénographes, chanteurs tchèques. Donc j’ai fait plusieurs projets vraiment dans le monde professionnel. Absolument passionnant. Au niveau des rencontres artistiques, c’est très enrichissant.

J’ai ensuite reproduit en Grèce, j’ai fait plusieurs choses, notamment avec une grande comédienne à Larissa, qui m’a accompagné dans une lecture bilingue des textes de Robert Desnos : elle lisait en grec et moi en français. On a fait une super soirée, les gens ont adoré le projet parce qu’ils comprenaient les deux textes souvent, car il y avait des gens qui parlaient les deux langues. En tout cas, il y avait vraiment une compréhension. Elle a une voix extraordinaire cette comédienne. 

Et puis bien sûr, il y a le travail avec Sophia Alexandrou, depuis 2017, un travail sur la poésie et la création musicale. On l’a fait avec de grands auteurs, de grands poètes français, comme Apollinaire, Rimbaud, Desnos, Prévert.  

En voix-piano ?

Oui, on a fait un peu de scène avec, dans le cadre des « Matinées enchantées » de l’IF. Mais surtout on a enregistré, on a pu diffuser. C’est ainsi, avec Sophia, que l’on a compris que l’on avait un bon duo et que cela marchait terriblement. Pendant le confinement, on avait beaucoup de retours sur Facebook. On a donc voulu passer à la vitesse supérieure, et faire un spectacle, qui sera majoritairement en français, dans lequel la langue française est écoutée, entendue. C’est elle [Sophia Alexandrou] qui m’a proposé Kiki Dimoula. Je ne voulais pas partir sur un auteur français. Son oeuvre m’ a profondément et immédiatement touché. En tant que metteur en scène, je me suis dit que ce serait bien qu’il y ait des images projetées. J’ai fait la connaissance de Vojtěch Janyška qui habite en France mais qui est Pragois. Comme la République Tchèque est le pays avec lequel je travaille le plus, cela a donné une ouverture européenne formidable au projet. Trois artistes européens, chacun dans sa spécialité, qui se réunissent, pour mettre à l’honneur une grand poétesse européenne, puisqu’elle a reçu le prix européen de la littérature.

Cette collaboration européenne, on la retrouve d’une certaine façon dans le Festival Frankoscény ?

C’est un festival francophone que nous avons créé à Pardubice (la ville avec laquelle je travaille en République Tchèque depuis 2007), qui accueille pendant trois jours des troupes lycéennes francophones, principalement d’Europe mais pas que. Cette année on va par exemple recevoir des troupes égyptiennes et tunisiennes. Autrement, ce sont plutôt des troupes qui viennent surtout de République Tchèque, car il y a une forte tradition du théâtre francophone chez les lycéens, mais aussi de Slovaquie, Roumaine, Hongrie, Bulgarie, de Croatie, en bref, de plein de pays d’Europe. Pendant trois jours, les jeunes ont trente à quarante minutes pour présenter leur spectacle. Ils ont aussi des ateliers professionnels, des tables-rondes pour parler des spectacles. Ensuite, il y a une scène ouverte, ils assistent à un spectacle professionnel. C’est vraiment un moment d’échanges et de rencontres autour du théâtre, de la francophonie, de l’Europe, de la jeunesse. C’est financé par la région Centre-Val-de-Loire, qui continue à nous aider depuis 2007, par la région de Pardubice, par l’IF de Prague et par l’apport des troupes elles-mêmes.

C’est vraiment un moment d’échanges et de rencontres autour du théâtre, de la francophonie, de l’Europe, de la jeunesse.

Festival Frankoscény © Le Théâtre de l’Imprévu
Festival Frankoscény © Le Théâtre de l’Imprévu

Donc la région Centre-Val-de-Loire est toujours là pour vous accompagner ?

Oui, depuis 2002, 2003. Nous, déjà, on est une compagnie subventionnée par la région Centre. On a donc un appui qui est très fort pour notre fonctionnement. En plus, la région nous aide, via les services des coopérations décentralisées, à travailler à l’international. Donc les régions sont très importantes aujourd’hui dans la diplomatie culturelle. 

Les régions ont aujourd’hui des régions partenaires dans le monde entier. La région Centre est par exemple présente en Chine, en Afrique subsaharienne, au Maghreb, en Europe. 

Donc les régions sont très importantes aujourd’hui dans la diplomatie culturelle. 

C’est intéressant car il n’y a pas seulement le travail avec les élèves mais aussi avec les professeurs, comme avec les professeurs de FLE (français langue étrangère) de l’Université Ouverte Hellénique ou bien les formations d’éloquence, de diction. 

Comme je travaille beaucoup sur la poésie, je me suis rendu compte que promouvoir la langue française par la poésie, c’était très intéressant.

A partir de 2017, à l’IF de Prague, on a mis en place un concours de lecture à voix haute, qui irradie dans tout le pays : il y a peu près treize établissements participants. L’idée c’est que je choisisse un thème (poésie du voyage, de l’engagement, européenne…) ou bien un auteur (Desnos, Prévert…), je fais un corpus de texte et le corpus est distribué à tous les enseignants qui veulent s’inscrire. Les établissements scolaires font leur propre concours à l’intérieur de leur établissement et désignent le.la meilleur.e lecteur.rice. Les meilleurs de chaque établissement viennent. Ils vont tirer le matin un texte au hasard, lié au corpus. Toute la journée, on le travaille. On les aide à le comprendre, à le prononcer, à l’interpréter. L’après-midi, on fait un récital. Chacun va dire son poème. C’est formidable, car il y a une prise de risque. Un peu atténué, car ce sont les meilleurs de chaque établissement. Ce concours permet à des jeunes gens de se retrouver à Prague, dans leur capitale, à l’IF, pour un concours extrêmement valorisant. Il n’y en a plus qu’un à la fin, mais ce sont des centaines et des centaines qui ont participé à travers le pays.

Pour cela, il a fallu faire de la formation pour les professeurs. Généralement, je fais une journée de formation à l’IF de Prague sur le corpus. J’explique les poèmes, on travaille dessus, sur l’auteur. Le but, c’est de donner les clés aux professeurs pour qu’ils puissent en parler aux élèves. Puis il y a des exercices à voix haute, derrière un pupitre. Pour apprendre à lire à voix haute, il y a des techniques à savoir pour être le meilleur possible : le rapport au public, le langage corporel, comment sourire, comment se concentrer, etc.

Cela a aussi été reproduit en Grèce, de façon un peu différente. J’ai fait beaucoup de formations. J’ai eu des centaines de professeurs en Grèce, pour les aider à faire les lectures à voix haute.

Promouvoir la langue française par la poésie, c’était très intéressant.

Il y a bien sûr le théâtre, la poésie. Il y a aussi l’histoire au centre de plusieurs projets culturels, n’est-ce pas ? Je pense aux représentations faites à partir de l’oeuvre de Robert Desnos, de Primo Levi, etc.

Primo Levi, c’est le plus gros succès de notre compagnie, en terme de longévité, de nombre de représentations (plus de 220) on l’a joué beaucoup en France (Festival du IN d’Avignon), en Suisse, au Rwanda également. 

C’était particulièrement intéressant au Rwanda, car on a été invité par une structure, qui était un endroit de réflexion autour des génocides : bien sûr du génocide Tutsi mais aussi sur les différents génocides. Cette association a souhaité nous faire venir en 2017, pour qu’on joue deux fois là-bas, suivi d’un débat, notamment avec la salle et avec des rescapés du génocide. C’était voir comment les génocides ont chacun leur histoire, et forcément, les tenants, les aboutissants. Chacun a sa particularité, mais il y a aussi beaucoup de choses communes. C’était intéressant de comparer le génocide juif avec le génocide des Tutsis. La parole de Primo Levi c’est vraiment une parole humaniste, universaliste. Elle a beaucoup touché les gens dans l’auditoire. Il y avait au moins une heure trente de débat, des gens qui se levaient, racontaient leur histoire, qui se positionnaient par rapport à la parole de Levi. On est allé ensuite sur les lieux mémoriels.

L’histoire s’est quand même mal terminée. La responsable de cette structure, malgré les contrats, ne les a pas honorés. Elle a détourné l’argent. Il y avait l’ambassade de Belgique. Je crois qu’il n’y avait pas encore d’IF à ce moment.

Au Maroc, c’était pareil, de l’argent était détourné. Des gens ont des postes qui leur permettent de détourner de l’argent, donc on ne leur dit rien. Au Rwanda, ce n’était pas la première fois que cette dame n’honorait pas. Au Maroc, c’était le sport national des politiques. Ce sont des coûts : financiers pour une compagnie comme la nôtre, et moraux : on s’investit beaucoup. On est confronté à une malversation financière, c’est grave.

J’ai appris depuis un adage : « no pay, no show », il faut que l’argent soit placé sur un premier compte avant de faire le travail. C’est dommage de se retrouver dans ces conditions-là, ce n’est pas normal. 

no pay, no show

Puis il faut survivre : cela perturbe le fonctionnement même de la compagnie. 

Oui bien sûr, ce sont tout de même des milliers d’euros. On était deux compagnies. On a partagé les déficits car on a quand même honoré les salaires.

Ce sont des effets ricochets.

Oui, exactement. A l’international, il faut être très cadré. Malgré les vigilances, quelques fois, il y a des mauvaises surprises. On est protégé par des contrats, mais à un moment donné, s’il n’est pas honoré… Le contrat a finalement une valeur morale.

Le spectacle Le peu du Monde, va être joué prochainement ?

Les dates à venir sont les suivantes :

Vendredi 17 mars 2023 à la Fondation Theocharokis, Grèce

Samedi 01 avril 2023 à l’Institut français de Thessalonique, Grèce

Lundi 03 avril 2023 à l’Institut français d’Athènes, Grèce

Vendredi 28 avril 2023 au Théâtre de la Bohème de l’Est, République Tchèque

Le peu du monde © Le Théâtre de l’Imprévu

Je tiens à remercier particulièrement Éric Cénat pour m’avoir accordé cet entretien.