Weyes Blood, Titanic Rising
Une image parmi 1000 autres, celle d’une chambre envahie par les eaux dont jaillit de la fenêtre une lumière. C’est un endroit privé et personnel soudain submergé par une marée incontrôlable.
Dès le premier titre A Lot’s Gonna Change, une sensation de flottement s’installe. Une impression de bleu nuit, d’être transporté sur une eau calme et cristalline. Pourquoi pas la mer morte sur laquelle il n’est pas nécessaire d’apprendre à faire la planche pour se laisser dériver à la surface. On imagine des lumières au loin, celle d’une ville en ébullition, d’une vie foisonnante, de désirs ardents qui n’ont jamais semblé si proches et inatteignables à la fois. Voici ce qui résume à merveille Titanic Rising de Weyes Blood.
L’album se présente comme un grand voyage intimiste entre quatre murs. Titanic Rising, comme s’il s’agissait de faire émerger une mythologie tragique aux émotions conséquentes et enfouies très profond en soi. Ces émotions surgissent magnifiées par une voix douce aux côtés de laquelle semblent glisser naturellement quelques délicates notes de piano ; mais pas seulement, car l’ambiance de l’album est marquée par la variété des instruments qu’il utilise. Là où un seul piano/voix aurait davantage appuyé la froideur, la diversité instrumentale et mélodique donne au tout un résultat sombre mais non dénué d’espoir.
Si Titanic Rising était un corps, il serait en apesanteur ; très léger et pourtant lourd de pensées et d’émotions. Un sentiment proéminent sur Something to Believe dont les paroles* comptent parmi les plus belles de l’album.
Le titre Movies pousse une nouvelle porte. Il est un tourbillon synthétique, onirique, This is how it feels to be in love, les nappes électroniques lentes et progressives parviennent à toucher cette exacte sensation. Cette chute en spirale comme la déliquescence d’un esprit qui tombe amoureux et en l’occurrence du cinéma. Une ode à l’imaginaire au travers d’un désir de simplicité car, souvent dans les films, la vie semble plus impulsive, plus naturelle, plus facile en somme.
Bien que marqué par une certaine maturité lyrique, l’album convoque les angoisses d’une jeune génération qu’elle métamorphose en poésie. Titanic Rising est une œuvre impressionniste aquatique – voire abyssale – dont se dégage une mélancolie d’une grâce incomparable.
Tristan Grossetti
* I just laid down and cried
The waters don’t really go by me
Give me something I can see
Something bigger and louder than the voices in me
Something to believe