Rétrospective 2021 : Albums et morceaux de l’année
L’année 2022 débute à peine mais vous avez l’impression de ne pas avoir apprécié l’année 2021 à sa juste valeur ? Pas de panique, c’est déjà l’heure de la séance de rattrapage : la rédaction du Tote Bag vous dresse le bilan des meilleures sorties musicales de l’année écoulée !
Sélection de Jr13511
Cro – trip
Lorsqu’on parle de rap allemand, la plupart des gens s’attendent au pire. Et pourtant, il suffirait de leur faire écouter Cro pour changer d’avis. Le rappeur revient pour son quatrième album qui s’affranchit des sonorités plus pop/rock de Raop, et des sonorités plus électroniques de tru. pour créer ce qui doit être pour l’instant son meilleur album. Poussant la diversification au plus loin, la première partie de l’album conjugue des sonorités funk, soul, jazz et rap tandis que la deuxième partie invoque du néo-psychédélisme, de la sunshine pop et du gospel. Décidément, un album à écouter !
ABBA – » I Still Have Faith In You «
Cette chanson a marqué le retour d’ABBA après 40 ans d’absence. L’importance de ce groupe est indéniable pour beaucoup de fans qui ont grandi avec eux et leur musique. I Still Have Faith In You est une power ballad triomphale et majestueuse, une ode à l’amitié épique. Même si à mon avis d’autres chansons sur l’album sont meilleures, elle représente tout de même un moment historique.
Sélection de Tristan Grossetti
Black Country, New Road – For The First Time
Labellisé Windmill* et membre de la nouvelle Sainte Trinité, ovationnée par les médias spécialisés (avec Squid et black midi), Black Country, New Road est arrivé de nulle part, là où on ne l’attendait pas. Leur premier album est puissant, drôle, éclectique, mélancolique, historien de comptoir à l’appui : il incarne le nouveau visage d’une Angleterre post Brexit. En attendant l’album de la maturité (Ants From Up There, sortie prévue le 4 février), Boris Johnson et Theresa May peuvent lancer une chenille. Le post-punk l’affirme haut et fort : il est anglais avant tout et ne s’est jamais aussi bien porté.
*Scène de Brixton à qui l’on doit, entre autres, l’émergence de groupes comme Shame, black midi, Goat Girl…
Sélection de Hugo Sciara
BrockHampton – Roadrunner : New Light, New Machine
Si cette année musicale a été riche en découvertes de nouveaux artistes enthousiasmants, autant sur la scène francophone que sur la scène internationale, c’est bien le sixième album du collectif texan BrockHampton qui m’aura le plus marqué. Elle paraît loin, cette année 2017 durant laquelle l’auto-proclamé « boys-band » a envahi le paysage du hip-hop américain avec la bien nommée trilogie Saturation et ses couplets survitaminés. Mais depuis la naissance de ce succès, la flamme semble s’être un peu éteinte. La séparation avec un des membres fondateurs, Ameer Vaan, accusé de multiples abus, aura laissé de profondes cicatrices, révélées avec le très mélancolique Iridescence en 2018 et le plus pop Ginger en 2019, qui aura fait naître leur plus gros succès, le hit du premier confinement SUGAR.
Dans Roadrunner, sorti début avril, le groupe retrouve son génie, inspiré par le deuil du membre Joba, qui a perdu son père en 2020 dans des circonstances particulièrement terribles. Il y revient notamment lors des mémorables THE LIGHT et THE LIGHT PT.II, qui n’hésitent pas à se révéler particulièrement graphiques et sensibles dans leur description des évènements. Mais le deuil flotte sur l’ensemble de l’album, au cours du chant gospel a cappella de Bearface, de l’outro très « Beatles » de WHAT’S THE OCCASION ? et même à l’écoute du tube de l’album, DON’T SHOOT UP THE PARTY. Une chanson où le leader Kevin Abstract, très présent sur l’album, rappe sur les difficultés de se construire en tant que jeune homme noir et gay au Texas.
Entre mélodies ciselées, textes puissants et collaborations d’envergure, BrockHampton parvient à se renouveler sans perdre leur identité alternative. Quitte à nous enthousiasmer davantage que le dernier bébé de leur idole Kanye.
Mentions honorables : Dur de ne pas citer parmi les meilleurs albums de l’année l’angoissant By The Time I get to Phoenix d’Injury Reserve, l’incroyable talent de Little Simz dans Sometimes I Might be Introvert, le bouleversant Roméo du génial Sega Bodega ou encore la bande-son du superbe Inside de Bo Burnham.
Slayyyter – » Over This ! »
L’industrie musicale l’a bien compris : les années 2020 seront l’année du revival des années 2000, de l’esthétique Y2K, des téléphones à clapet et du mauvais goût vestimentaire. Rien de plus normal donc que de voir revenir en force le genre le plus décrié de l’époque : le pop-punk. Si le carton de « Good For U » d’Olivia Rodrigo, aux faux airs de « Misery Business », semblait inévitable, beaucoup n’ont pas atteint le même niveau de qualité. L’indéboulonnable Travis Barker, batteur du groupe emo Blink-182, s’est ainsi retrouvé à la production d’une foule de morceaux médiocres, de Machine Gun Kelly à Willow Smith en passant par Avril Lavigne.
Il est pourtant possible de créer du neuf avec du vieux, même de mauvais goût. Avec Happier Than Ever, Billie Eilish associe balade pop lancinante et grunge énervé dans un des plus gros twists musicaux de l’année. Mais c’est bien Slayyyter qui, avec « Over This ! « , extrait de son premier album studio Troubled Paradise, a réinventé le genre de la meilleure manière. En s’associant au talentueux rockeur Chris Greatti, la chanteuse américaine applique un vernis hyperpop survitaminé et vivifiant à un genre vu et revu. S’inspirer du passé pour regarder vers le futur, voilà une perspective bien plus intéressante que le réchauffé vers lequel on se dirige.
Mention honorables : À retenir aussi, le virage hyperpop de Rebecca Black avec le génial » Personal « , les flamboyants « Montero » et » Industry Baby » de Lil Nas X, le cri de Kalika dans » Chaudasse « , les » Démons » qui hantent Joanna et Laylow, et L’OVNI venu d’Ukraine » Shum » du groupe médaille d’argent à l’Eurovision GO_A.
Sélection de Brian Lopez
L’impératrice – Tako Tsubo
Après son dernier album Matahari, sa majesté L’impératrice revient avec un nouveau projet tout en couleur
Le nom de l’album Tako Tsubo tire son nom du japonais signifiant « Syndrome du cœur brisé » qui peut apparaitre après un chagrin d’amour intense pouvant se traduire par un arrêt brutal du coeur. Une rupture donc présente tout au long de l’album qui parle des réseaux sociaux, de féminisme ou encore de la marginalisation de la société. Un drôle d’ovni dans l’univers onirique du groupe qui trouve finalement ses marques comme dans la track 3 « Hématome ». On trouve dans cet album des musiques en français comme en anglais avec des paroles touchantes et intimes écrites par la chanteuse Flore Benguigui. Le thème de la rupture qui se présentera jusque sur le plan instrumental au regard des différents break surprenants, comme dans la track 5 « L’équilibriste ».
Avec ce projet, l’Impératrice reprend ce qui l’a fait connaître, ses lignes de basses groovy toujours accompagnées des rythmes funky à la batterie mais cette fois en y rajoutant une touche plus engagée et poignante.
Royal Blood – » Typhoons «
Sorti en janvier 2021, Typhoons est un single du duo de garage-rock britannique, Royal Blood.
A sa sortie cette chanson apparaît comme un tournant pour les fans, en effet celle-ci sort des standards habituels du groupe, qui en plus de Ben Thatcher à la batterie, Mike Kerr à la basse et au chant, ils se payent le luxe d’avoir des chœurs, des synthés et des effets sonores multiples en complément.
De manière générale, « Typhoons » offre un travail musical méticuleux, le son caractéristique du groupe étant la basse saturée d’effets (parfois brouillonne dans les anciens albums). Royal Blood trouve ici son équilibre avec un rendu final maitrisé, coloré et qui pourrait faire jalouser n’importe quel musicien. Cette musique fait aussi référence aux problèmes qu’avait eu le bassiste/chanteur Mike Kerr vis à vis de l’alcoolisme décrivant dans les paroles le » Typhon » (étant ici l’alcool) faisant tellement de ravage qu’il n’arrivait lui-même pas à se rendre compte de ce que cela lui faisait.
Au final » Typhoons « se retient comme un bon rock britannique qui tâche mais tout en restant propre sur lui, à écouter sans retenu évidemment. Le single est disponible sur l’album éponyme Typhoons depuis le 30 avril dernier !
Sélection d’Elisa Mayor
Tip-Top – Chansons d’Ennui
Trouver un nom d’artiste est une chose commune, se créer un alter ego scénique l’est aussi, mais sortir un album entièrement basé sur son persona cinématographique n’est pas monnaie courante. Le chanteur Jarvis Cocker s’est mû le temps d’un film et d’un album en Tip-Top; crooner francophone à l’accent britannique. Reprenant des standards de la chanson française des années 60 et 70, Tip-Top se fait le témoin d’une période où anglais et français dialoguaient avec la musique à texte. En passant de Bourvil à Gainsbourg, le chanteur incarne un fantasme, il syncrétise le dandy parisien, l’éternel amoureux, le rebelle en culotte Cardin. Ainsi, son interprétation d’« Aline » de Christophe sert de bande originale à The French Dispatch, dernier film en date de Wes Anderson. Disposant d’une existence réelle dans nos esprits et dans ceux des personnages, Tip-Top dépasse la fiction et fait quelques allers-retours entre Ennui (ville de The French Dispatch) et Paris pour sortir son album chez ABKCO.
AURORA – » Cure for Me »
Sorti en juillet dernier, le single de la chanteuse norvégienne AURORA revient sur sa relation avec elle-même, sa bisexualité et ce pourquoi l’amour ne peut être manipulé par une quelconque thérapie de conversion. Ce que nous pourrions limiter à une ode à l’acceptation prend une tournure différente grâce au ton de l’artiste. AURORA s’exprime sur son expérience de l’amour et ne demande pas l’avis d’autrui, la tolérance réside dans le fait que chacun devrait s’occuper de ses affaires. L’interprète ne tombe pas dans l’écueil qui viserait à dire que nous devons tous nous aimer les uns les autres, ce n’est pas son but ni son envie. C’est donc en cela que « Cure for Me » est un morceau à retenir; il donne envie de danser seul chez soi, pour soi, d’envoyer des roses ou sur les roses et d’attendre l’album The Gods We Can Touch, sur lequel le single paraitra le 21 janvier prochain.