2022 : l’année du roman graphique
Présentation de deux ouvrages graphiques : l’arabe du futur et le monde sans fin. Ces deux ouvrages traduisent de l’ouverture du genre de la bande-dessinée vers d’autres thématiques, sortant ainsi de l’humour.
En 2022, pour la deuxième fois consécutive, une bande-dessinée est le livre le plus vendu en France. En 2021, Astérix et le griffon, le trente-neuvième tome des Aventures d’Astérix et Obélix, se plaçait en haut du podium. Cette année, les deux Gaulois se sont fait voler la vedette par l’ouvrage de Jancovici et Blain, Le monde sans fin, traitant de la crise climatique. Dès sa sortie, le sixième tome de L’arabe du futur, de Riad Sattouf se place en tête des ventes. Présentation des deux BD les plus vendues en France cette année, qui traduisent l’ouverture du genre sur des sujets climatiques, sociaux, sortant du domaine de l’humour.
Le monde sans fin – Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain
Le monde sans fin est le livre le plus vendu en France en 2022, en s’écoulant à plus de 500.000 exemplaires uniquement au mois de décembre. Cette œuvre est l’adaptation en bande-dessinée des thèses de Jean-Marc Jancovici, un polytechnicien spécialiste des enjeux climatiques. Il est l’inventeur de la théorie du bilan carbone, la comptabilisation du gaz à effet de serre lié à une action ou à une production (prendre le train, produire un vêtement etc.).
L’ouvrage se présente sous la forme d’un dialogue entre Blain et Jancovici sur les questions liées à l’énergie : son usage à travers l’Histoire, l’essor des énergies fossiles, et l’impact de l’humanité sur son environnement et en particulier sur le climat. L’album souhaite expliquer simplement les changements profonds que notre planète vit et ses conséquences. Sur son site internet, Jancovici indique que cette bande-dessinée a pour but de rendre la question climatique plus accessible à tous, et marque sa volonté de sortir de l’essai pour exprimer son point-de-vue.
Le monde sans fin expose les principales thèses de J.-M. Jancovici sur la crise climatique. Il souhaite donner des explications sur les raisons et les origines de cette crise, mais propose également des solutions. Sa principale étant la théorie de la sobriété énergétique. Son ouvrage est engagé politiquement, et il est évidemment possible de ne pas être d’accord avec lui (notamment sur les questions du nucléaire) mais l’œuvre permet de saisir les enjeux de la question.
L’arabe du futur – Riad Sattouf
Le dernier tome de la série L’Arabe du futur est sorti peu de temps avant Noël. La conclusion de la saga de Riad Sattouf était très attendue, et son retour a été couronné de succès : trois jours après sa sortie, cet ouvrage était en tête du classement des meilleures ventes. L’œuvre a été traduite dans plus de vingt langues, et s’est écoulée à plus de trois millions d’exemplaires.
L’Arabe du futur raconte la jeunesse de Riad Sattouf, un enfant d’origine syrienne qui grandit dans entre les cultures de son père syrien et de sa mère française. Le roman graphique touche du doigt, à travers les yeux d’un enfant, la géopolitique du Moyen-Orient dans les années 1980. La famille s’installe à Tripoli, en Lybie, alors dirigée par Kadafi, puis s’installe dans un petit village de Syrie, mais fait régulièrement des allers-retours pour se rendre en France.
L’Arabe du Futur est l’histoire d’un enfant qui tente de trouver son identité entre les cultures syrienne et française, mais c’est aussi l’histoire d’un enfant qui ne comprend pas ses parents, qui vit des drames personnels et juvéniles. Cet œuvre graphique permet au lecteur de saisir l’ambivalence de la double culture, la complexité de la quête d’identité, avec une touche de douceur et de tendresse.
Ainsi, il est intéressant de constater que si le roman graphique était à l’origine réservé à l’humour (Picsou, Tom-tom et Nana, Les aventures de Tintin) aujourd’hui, des auteurs parviennent à traiter de questions politiques, climatiques, sociales grâce à la bande-dessinée. Dans cet article, deux ouvrages ont été présentés, mais de nombreux autres romans graphiques abordent des questions cruciales : Capital et idéologie de Thomas Piketty aborde la naissance des inégalités sociales et les raisons de leur perduration. Culottées de Pénélope Bagieu met en avant des femmes qui ont osé s’affranchir des règles patriarcales pour vivre leur destin. La liste est longue, et la bande-dessinée est un genre qui s’affirme et qui n’est plus limité à un seul thème.