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Cinéma

« Vincent doit mourir » et c’est pour notre plus grand plaisir !

Vincent doit mourir !” proclament Stephan Castang et ses scénaristes, dans le film éponyme sorti dans nos salles ce mercredi 15 novembre. On ne sait pas vraiment qui a choisi ce titre, mais ce qui est évident c’est le plaisir macabre que l’équipe artistique a pris à torturer le personnage joué par Karim Leklou, dans un film écrit comme une descente aux enfers.

Après le magnifique générique, on remarque dès la séquence d’ouverture que Vincent Borel, employé dans un cabinet d’architecte, semble avoir un problème de communication avec ses collègues. En effet, ses projets n’emballent pas, ses blagues tombent à plat et on apprend même plus tard qu’il travaille avec une ex, ce qui promet une ambiance particulière au bureau. Au bout d’un moment, on lui propose de travailler chez lui, ce qui ne ferra que l’emprisonner dans son cauchemar : il va se refermera sur lui-même, jusqu’à partir à la campagne et vivre dans la marge, évitant le regard de ses semblables.

Ce film serait donc un drame sur la solitude assez classique si l’on oubliait un détail volontairement occulté par cette introduction : toutes les personnes qui croisent le regard de Vincent sont prises d’une irrépressible envie de le tuer. Vincent doit mourir est un film de genre, un thriller fantastique à la française. D’ailleurs, si cette façon de représenter l’introversion, comme l’agression involontaire de toutes personnes engageant un contact social avec une autre repliée sur elle-même, est extrêmement visuelle et impactante, elle n’est jamais utilisée à des fins tragiques. Au contraire, le film est largement décrit dans la presse comme une comédie.

Un humour incisif et potache

L’humour de Vincent doit mourir travaille sur deux fronts : d’abord, il est acide lorsqu’il attaque via ses dialogues l’hypocrisie d’entreprise et/ou l’hypocrisie sociale, ensuite, il est grand-guignolesque dans sa violence soudaine et absurde.

Prenons l’exemple d’une scène où un sympathique postier livre son courrier à Vincent. Inattendue, la voix du postier apparaît comme terrifiante, en même temps que la banalité de ses paroles créer un décalage comique. S’ensuivra logiquement un combat à mort, ici dans des restes de fosses sceptiques qui ont coulé dans un jardin (voir l’image ci-dessus – notons que je conseille aux émétophobes et au coprophobes de fermer les yeux pendant cette scène).

La mise en scène de son budget

En définitive, le film est truffé de scènes inventives et impressionnantes. Hélas, sa dernière partie souffre de son faible budget. Si l’épidémie de violence envahit soudainement le pays comme les confinements successifs avaient en leurs temps répandus la solitude, aucune image du film ne retranscrit avec justesse l’aspect global du phénomène.

Face à cette remarque, on pourrait rétorquer que le réalisateur ne fait que rester à hauteur d’homme, comme il l’a toujours fait jusque-là. Effectivement, Vincent doit mourir fait preuve de tendresse pour la marge et développe une histoire d’amour étonnante entre le personnage de Karim Leklou et celui de Vimala Pons. Néanmoins, un autre des axes du film s’attachait à blâmer l’indifférence face aux violences du quotidien. L’ironie que dégageait le film jusqu’ici semble s’effacer lors de la conclusion du film pour ne clore que la trajectoire des personnages. Difficile d’échapper à un léger sentiment de déception.


Une fois cela dit, n’oublions pas que le but n’est pas tant de disserter sur des sujets comme la solitude ou la violence que de faire un divertissement efficace autour de sentiments que l’on a tous expérimenté. De ce point de vue, Stephan Castang est bon élève : il cite Roméro ou Carpenter avec brio et il maîtrise la nervosité de son film pour nous agripper à notre siège, tout en laissant assez d’espace pour l’humour et l’émotion. En bref : une grande réussite.