Un Jour dans la vie de Billy lynn ou comment filmer le traumatisme
Comment filmer un sujet aussi complexe que le traumatisme d’un soldat ? Beaucoup ont tenté de répondre à la question, notamment par le prisme de la guerre du Vietnam (Apocalypse Now, L’échelle de Jacob, …). A l’inverse de la fresque apocalyptique ou du recours à l’horreur, Un jour dans la vie de Billy Lynn, œuvre moins connue d’Ang Lee, sortie en 2016, est beaucoup plus intimiste dans sa démarche. Le film suit l’histoire de Billy Lynn, un jeune soldat américain de retour dans son Texas natal. Il revient à la fois pour assister à l’enterrement d’un de ses amis, mort au combat, mais aussi pour participer à la cérémonie de thanksgiving où lui et sa milice seront couronnés de gloire pour leur combat contre les terroristes.
Critique intéressante du rapport entre les Etats-Unis et l’armée, Ang Lee propose une histoire fragmentée entre flashbacks intempestifs du champ de bataille et angoisse sociale d’un jeu de football, pendant une célébration de thanksgiving. Le réalisateur arrive efficacement à souligner l’hypocrisie américaine qui porte aux nues ses soldats en les envoyant tout de même au casse pipe, dans une “war on terror” politique et absurde. Ang Lee fait référence ici à la guerre d’Irak de 2004 et souligne le traumatisme de ces jeunes hommes, pourtant bien décidés à mener ce combat jusqu’au bout.
Billy Lynn propose un jeu d’équilibriste parfois maladroit. Le film se situe entre candeur certaine, portée par le visage juvénile des soldats et mise en abyme du spectaculaire hollywoodien. Ang Lee se distingue non pas dans ses flashbacks, qui basculent à certains moments dans un grandiloquent peut-être excessif, mais plutôt dans des détails discrets de mise en scène qui rendent le film inclassable. Le choix du placement de la caméra dans les champ-contrechamp en est un exemple frappant. Toujours au niveau du regard des soldats, à la limite du face caméra, le cadre met en relief l’humanité des soldats et notre proximité avec eux.
Le film se perd néanmoins dans le mélodrame. L’usage abusif d’une musique de fond casse totalement la distance méta instaurée au début. Grâce à un casting solide, porté surtout par l’acteur principal Joe Alwyn, le film arrive néanmoins à garder une certaine honnêteté et parvient à ne pas tomber dans le cynisme.
Un Jour dans la vie de Billy Lynn, malgré ses maladresses, reste un film qui intrigue, en étant peut-être plus profond qu’il n’y paraît.