Orlando- Sally Potter (1992)
Librement adapté du roman de Virginia Woolf, Orlando est porté par l’actrice Tilda Swinton. Fort de plusieurs prestigieuses récompenses, c’est le long-métrage le plus célèbre de la cinéaste britannique Sally Potter.
Orlando est un jeune aristocrate anglais évoluant dans la société du début du XVIIème siècle. Lors d’une visite officielle de la reine Elisabeth Ire, il devient son favori. Peu de temps après, elle lui fait promettre sur son lit de mort de rester éternellement jeune et beau, en échange de quoi il obtiendra son propre domaine et un généreux pécule.
Le film est découpé en divers chapitres au fil des intérêts et des aventures du personnage : l’amour, la poésie, la politique etc.
Orlando brise constamment le 4ème mur en lançant de nombreux regards caméra ou en parlant directement aux spectateurs. La cinéaste a ainsi voulu adapter les commentaires que V. Woolf adresse aux lecteurs. Le lien ainsi créé entre le personnage et le spectateur permet de le prendre en sympathie en recevant ses pensées intimes, parfois amusantes. Un simple regard vers la caméra donne de la profondeur à Orlando et devient un échange complice avec le public.
La mise en scène est très soignée avec des plans composés souvent tels de véritables tableaux. Elle est sublimée par les magnifiques costumes d’une grande précision historique, fait assez rare pour être souligné.
La temporalité de l’histoire est changeante, le rythme s’accélère à mesure que le film avance créant un effet de confusion. Ainsi le personnage mûrit lentement au fil des siècles, comme si sa maturité était ralentie par sa longévité physique.
Spoilers
La cinéaste fait du séjour à Constantinople le pivot central de l’histoire. Période où il est confronté à sa masculinité, de nouvelles valeurs dont l’amitié, la mort…
Sally Potter joue de l’androgynie de ses personnages : Orlando défie les normes de genres, la reine Elisabeth Ire incarnée par l’acteur masculin Quentin Crisp. Pour son œuvre, Virginia Woolf s’est d’ailleurs inspirée de son amante Vita Sackville-West, qui jouait de son androgynie et s’habillait à la mode masculine. Dans le roman, Orlando ne se plie pas aux conventions de sa société patriarcale et refuse le mariage.
Le livre et le film traitent aussi la question de la transidentité. Effectivement, après avoir été confronté à la guerre et la mort, Orlando dort durant sept jours avant de se réveiller dans le corps d’une femme cisgenre. La scène très sobre fait de cette transition une sorte de transfiguration du personnage qui réussit à dépasser la crise de son identité masculine comme le décrit la réalisatrice. Orlando exprime son émerveillement: « Same person, no difference at all… just a different sex. ».*
Désormais devenu Lady Orlando, le personnage est confronté à la dure réalité que vivent alors les femmes britanniques : ne pouvant prétendre à un héritage, leur seul choix est de se marier afin de subvenir à leurs besoins. Cela crée des situations comiques comme lorsqu’on lui demande sa main sans lui laisser le choix de refuser, de la même façon qu’Orlando a pu le faire deux siècles auparavant.
Le film se clôt sur une note féministe et optimiste. Lady Orlando est devenue une femme libérée de ses contraintes d’étiquette et du poids de son héritage. Le personnage incarne alors une mère célibataire épanouie et dont le travail d’auteure est enfin reconnu. La réalisatrice emploie d’ailleurs le même acteur pour interpréter le poète qui se moque d’Orlando au XVIIème siècle que l’éditeur qui est ravi par ses écrits en 1992.
Si le film est un peu oublié aujourd’hui, c’est une adaptation soignée de l’œuvre de Virginia Woolf. La mise en scène originale, les riches costumes et la performance de Tilda Swinton en font un incontournable du cinéma des années 1990.
*traduction : « Même personne, aucune différence… juste un autre [genre]. »