Jacky Caillou (Lucas Delangle, 2022) : l’invisible porté à l’image
Entre cinéma et culture, un retour sur le 12 septembre 2022. La salle est comble à la Cinémathèque Française. Lucas Delangle, le réalisateur du film, et une partie de son équipe, sont présents à la diffusion de cette avant-première de Jacky Caillou.
12 septembre 2022. La salle est comble à la Cinémathèque Française. Lucas Delangle, le réalisateur du film, et une partie de son équipe, sont présents à la diffusion de cette avant-première de Jacky Caillou.
Pour son premier long-métrage, Lucas Delangle livre aux spectateurs un fascinant spectacle porté par des personnages à la fois simples et inquiétants, fait de rêve et d’émancipation, d’une confrontation perpétuelle du réel et de l’irrationnel. Ce film présenté à l’ouverture de l’ACID lors du festival de Cannes 2022 nous plonge dans la vie d’un petit village perché dans les Hautes-Alpes, entouré d’arbres et de pierres.
Thomas Parigi incarne Jacky, le petit-fils de Gisèle (Edwige Blondiau). Adolescent rêveur et grand-mère mystérieuse et attachante, ces deux personnages centraux joués par des acteurs non professionnels nous magnétisent autant qu’ils magnétisent leurs patients. Guérisseuse et magnétiseuse, Gisèle soigne en effet dans une vielle maison familiale et rustique les montagnards qui attendent, un par un, de recevoir son don. Jacky, quant à lui, s’essaie à la musique : il tente d’en capter les ondes magnétiques. Les images parviennent à exprimer l’invisible. Les cadrages et les gros plans, tour à tour sur les mains de Gisèle et sur les visages des patients, concourent à cette puissante suggestion.
La trame narrative progresse par tâtonnement mêlant un lyrisme sourd, un documentarisme mystérieux et une poésie débordante. Le film ne pourrait être catégorisé comme fantastique ou naturaliste, il fait sans cesse des allers-retours et joue dans cet entre-deux, empruntant à bien des égards des éléments des deux registres et en les confondant et en jouant avec leurs codes. C’est dans cette audace que se révèle la narration à la fois douce et surprenante de Delangle.
Jacky, pas à pas, acquiert le don de sa grand-mère. Grâce à cet héritage, il va tenter de sauver Elsa (Lou Lampros), qui a une tache sur l’épaule gauche, à l’aspect argenté et velu, qui progresse de jour en jour, ou plutôt de nuit en nuit… Un tournant s’opère dans le film, la figure de la femme-louve surgit. On est pourtant bien loin du film des frères Boukherma, Teddy (2020), film pop et tout à fait fantastique. Ici, dans Jacky Caillou, l’inquiétude ne laisse pas de place à la peur mais interroge le spectateur sur ce qui dépasse et fascine, sur la puissance des sensations. Sans effets spéciaux, l’énergie vibrante surgit des cadrages et des mouvements lents opérés par la caméra.
Ancré au cœur des montagnes alpines, le long-métrage expose alors la simplicité et le secret de cette nature insaisissable et impalpable – à l’image des rebouteux. Dans premier ce long-métrage réussi et accueilli très favorablement par les critiques, Lucas Delangle montre à l’écran ce monde des énergies, de l’invisible et de l’indicible, tout en l’imbriquant dans des questions contemporaines.
Le film est toujours en salle.