Premiers pas dans la sculpture archaïque du Musée de l’Acropole d’Athènes
Pour des raisons de droit à l’image les oeuvres évoquées ci-dessous ne peuvent être illustrées. N’hésitez pas à cliquer sur le nom de chaque oeuvre qui vous redirigera instantanément vers les visuels du Musée de l’Acropole !
La numérisation des collections du Musée de l’Acropole d’Athènes est l’occasion rêvée pour vous présenter des œuvres un peu moins connues que les grands programmes sculptés, comme le décor du Parthénon (dont les originaux sont au British Museum) ou des ensembles de stèles, dans un petit article plus décontracté ! En effet les œuvres qui seront évoquées appartiennent aux productions de l’époque archaïque et diffèrent de la sculpture antique que l’on a l’habitude de voir dans des salles de musées.
La sculpture archaïque sur l’Acropole d’Athènes est marquée par des grands types dans la production : les korés/corés/korai, les cavaliers et quelques scribes. Nous ne traiterons pas du kouros ici, autre grand type statuaire archaïque. En fonction de l’interprétation qui est faite de l’iconographie de la koré, celle-ci peut être identifiée comme une déesse : pourquoi dédier autre chose que des statues de déesses dans le sanctuaire d’une déesse ? C’est le cas pour l’Acropole d’Athènes qui, comme vous l’aurez deviné, est un sanctuaire dédié à Athéna.
Voici ci-dessous une petite sélection de statues aux apparences plutôt amusantes, conservées au Musée de l’Acropole d’Athènes :
La koré 675 est une statuette remarquable par sa polychromie. Son petit format rend d’autant plus impressionnant tout le travail que le sculpteur a fourni pour donner à voir les divers vêtements qu’elle porte : les différents matériaux se distinguent par les plis et les couleurs appliquées. Sa chevelure sophistiquée complète l’effet luxueux de la statuette, qui disparait si on regarde l’arrière de l’œuvre où le travail est beaucoup plus sommaire. Sur le site du Musée de l’Acropole vous pouvez même voir en plus des différents angles une reconstitution de la polychromie que la koré 675 pouvait présenter !
La koré 677 est considérée comme une production extérieure à l’Attique, la région d’Athènes. Seule la partie supérieure de l’œuvre a été retrouvée mais la distinction traditionnelle des vêtements est visible avec les attaches du chiton (la tunique) gravées sur les bras et l’himation (le manteau) drapé par-dessus, qui se remarque particulièrement dans le dos. La coiffure est assez intéressante, nouée avec un nœud d’Héraklès à l’arrière de la tête. La jeune fille tient un fruit dans ses mains et s’inscrit donc dans un corpus plus large de korés tenant un objet (une offrande) dans la main. Les interprétations sont diverses puisqu’ici le musée la désigne comme « la koré à la pomme » tandis que d’autres tiennent une grenade, comme la Koré 593 de l’Acropole, ou une colombe, comme la Koré de Lyon.
La dernière koré est un des chefs d’œuvre du corpus, il s’agit de la koré 679 qui appartient à une large famille de korés en péplos ou « péplophores ». Elle est remarquable par sa qualité d’exécution avec ses traits fins, sa coiffure raffinée mais aussi par le vêtement qu’elle porte : le péplos. Ce vêtement n’est à l’origine pas porté en Attique et ajoute donc à l’originalité de la koré 679, qui pourrait avoir été sculptée par un artiste étranger à Athènes. Cette statue est particulière puisque ses restes de polychromie ont fait l’objet d’analyses plus poussées et les chercheurs ont identifié les motifs qui étaient représentés sur la grande plage basse du péplos, en dessous de la ceinture !
Les types masculins qui ont été retrouvés sur l’Acropole pour l’époque archaïque sont plus variés que les types féminins, mais la typologie la plus nombreuse est celle des cavaliers ; certains fragments sont conservés au musée du Louvre comme la Tête du cavalier Rampin et une tête de cheval. Le type est lié à l’importance du cheval et des cavaliers dans la société grecque archaïque : pouvoir entretenir un cheval était un signe de richesse et les jeunes cavaliers aristocrates aimaient se faire représenter comme tels.
Le cavalier 606 ou « cavalier perse » du musée est connu essentiellement par son cheval et les jambes du cavalier, la partie supérieure de son corps a disparu. Sa particularité la plus évidente se situe sur ses jambes : la polychromie est bien conservée et le costume que portait le personnage est visible et apparenté aux costumes que portaient les Grecs pour imiter la mode orientale. Le personnage représenté pourrait donc être un riche Athénien ayant voyagé ou un archer membre de la garde d’Athènes, venant de Perse ou de Scythie, et caractérisé par son costume.
La statue de l’Hippalectryon montre un cavalier encore une fois fragmentaire mais dont la monture est l’élément le plus étonnant : le personnage, dont le corps est conservé des chevilles aux épaules, chevauche une créature mi-cheval mi-coq. L’animal en lui-même est assez mystérieux, lié la plupart du temps au dieu Poséidon et donc au monde marin. Il est assez peu représenté dans l’art grec, mais on le trouve en plus grand nombre en céramique.
Le scribe 629 fait partie d’un plus petit corpus d’œuvres et est conservé entre le Musée de l’Acropole et le Musée du Louvre puisque la tête originale se trouve à Paris. La position du scribe est peu habituelle en sculpture archaïque, elle est moins hiératique qu’à l’habitude et pose la question de qui ces statues pouvaient représenter. La tête est intéressante pour son travail de la pilosité et notamment de la barbe en piquetage. Il s’agit du scribe le plus grand et le mieux conservé du corpus, on voit donc le positionnement de l’himation qui découvre l’épaule droite, le siège sur lequel le personnage est assis, un diphros, et un fragment de coffret qu’il tenait sur ses genoux.
Cet article a permis d’évoquer un pan moins connu de la sculpture grecque antique, outre la Dame d’Auxerre et la Koré de Samos qui sont visibles dans les salles préclassiques du Musée du Louvre. L’aspect de ces sculptures peut parfois nous paraître un peu étrange mais il caractérise une période très intéressante de la production artistique grecque. Bien entendu, la sculpture n’était pas exclusive à Athènes et il existe des ouvrages plus complets et spécifiques sur la sculpture archaïque si le cœur vous en dit !
- Gisela Richter, Korai : Archaic Greek Maidens : A Study of the Development of the Kore Type in Greek Sculpture, 1968
- John Boardman, Greek Sculpture. The Archaic Period, 1978
- Claude Rolley, La sculpture grecque, 1, Des origines au milieu du Ve siècle, 1994