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L’impact de la Fashion Week aux quatre coins du monde

Les défilés de la Fashion Week, aussi appelée « la semaine de la mode », sont un incontournable pour les marques de créateurs et les Maisons de Luxe, et constituent un moment clé dans le monde de la mode. En un quart d’heure seulement, des mois de travail et une nouvelle collection sont exposés devant le public. L’objectif premier de ces défilés est de vendre les créations tout en suscitant une profonde émotion chez les spectateurs. Entre attractivité, économie et médiatisation, les impacts de tels défilés sont multiples pour les capitales de la mode.

Press Week, Fashion Calendar, Fashion Week : historique d’un évènement à la mode

Dans les années 1940, Paris est considérée comme la ville pionnière de la mode. Les tendances y émergeaient, et les grands évènements s’y déroulaient. Mais l’occupation française met brutalement fin à cette hégémonie créatrice. Eleanor Lambert, styliste américaine, créé alors la Press Week, réservée à la presse. D’années en années, les collections se multiplient et les semaines de la mode aussi. La presse était ainsi contrainte, pour suivre ces évolutions effrénées, de se déplacer constamment et rapidement. Finalement, Ruth Finley, ancienne femme d’affaire, créé un calendrier officiel, le Fashion Calendar, permettant à l’évènement de se stabiliser en un seul endroit – alternativement le Bryant Park ou le Lincoln Center, en fonction des collections et des marques. Désormais accessible à la presse, aux célébrités et aux influenceurs, nous connaissons maintenant la Press Week sous le nom de Fashion Week. Bien qu’elle soit présente dans le monde entier, quatre grandes villes prédominent et constituent The Big Four ; New York, Londres, Milan et Paris.

Au travers de trois types de Fashion Week – la Haute Couture, le prêt-à-porter, et la mode Homme – ces semaines de la mode s’imposent dans une nouvelle géographie de la création, où les petites mains s’activent pour donner lieu à de grands évènements. Pourtant, les défilés se multiplient et la Fashion Week ne semble jamais prendre fin. Elle a permis une révolution dans le monde de la mode, apportant la lumière sur des marques désormais reconnues mondialement et autrefois émergeantes comme Marc Jacob ou Calvin Klein. Dans cet univers de création éternelle, la réussite des villes de la mode ne passe pas inaperçue, dans les rues comme dans les médias. La notoriété s’étend donc à l’international, de la marque à la ville.

Avance parisienne indéniable, malgré la remise en question de l’hégémonie des Big Four

Il y a quinze ans, J.M. Grau affirmait « parce qu’elle a su s’ouvrir, dès l’origine, aux talents étrangers, mais aussi s’adapter à notre époque, Paris a su conserver sa domination. Londres, Rome, Milan et New York font à cet égard figure de parents pauvres. Le nombre et la réputation de leurs couturiers, leur rayonnement international sont sans commune mesure avec ceux de la mode parisienne.»[1]. En effet, Selon l’auteur, les semaines de la mode contribuent à la notoriété et la reconnaissance d’une ville comme leader de l’industrie de la mode. Pourtant, cela repose également sur d’autres éléments, comme le poids économique des marques représentées, telles que Louis Vuitton, Dior, Hermès ou encore Chanel, présentes à Paris. Cette dernière se situe d’ailleurs en dernier dans l’ordre des semaines de la mode par rapport aux trois autres villes, incitant les acheteurs à attendre les propositions créatives de tous les créateurs avant de finaliser leurs choix. Ainsi, la semaine de la mode semble représenter un indice de réussite d’une ville.

Jusqu’à récemment, les Fashion Week réunissaient des milliers d’acteurs de l’industrie de la mode dans les quatre villes citées précédemment. Pourtant, cette suprématie est désormais confrontée à l’élargissement mondial de l’économie de la mode. Au-delà de ces Fashion Week, des semaines supplémentaires se vêtissent de haute couture et de modèles reconnus accueillant la mode dans ces nouvelles capitales. Comme Sao Paulo et Tokyo, victimes de leur succès, de nombreuses villes tentent de se faire une place et revendiquent leur rôle particulier dans l’industrie de la mode. L’économie et l’attractivité d’une ville se trouve alors impactées par ces évènements spéciaux très médiatisés.

Du défilé au panier : l’importance de la médiatisation

Chaque ville hôte poursuit des objectifs distincts, mais l’objectif commun est d’accroître les bénéfices commerciaux. Les clés du succès résident dans la masse critique des marques participantes, leur pouvoir d’attraction, leur diversité géographique et l’ampleur de la couverture médiatique qu’elles engendrent. Les marques tirent profit de l’aura incontestable de ces semaines de défilés pour renforcer leur légitimité et gagner en visibilité sur la scène internationale de la mode. Ces événements ne sont donc pas seulement des défilés de mode, mais également des plateformes stratégiques au service de l’industrie de la mode et des villes qui les accueillent. Les Fashion Week de New York et de Paris ont brillé en tête du classement de la médiatisation, atteignant une valeur impressionnante de 80 millions de dollars en termes de couverture médiatique. Ces événements biannuels offrent aux créateurs une plateforme mondiale pour présenter leurs dernières collections. Parmi elles, la Fashion Week de Paris se démarque particulièrement, engendrant d’importantes retombées économiques évaluées à 1,2 milliard d’euros. L’industrie de la mode revêt, en France, une importance considérable, employant un million de personnes et contribuant à hauteur de 2,7 % du PIB national. De plus, en 2019, les marques de luxe françaises étaient leaders sur le marché.

Ainsi, les marques de créateurs attachent une grande valeur aux défilés en tant que moyen de communication, tandis que les grandes Maisons disposent de la capacité de communiquer par le biais de contenus numériques dès la présentation de leurs collections jusqu’à leur mise en vente en boutique. Ces semaines particulières revêtent donc de multiples dimensions, où consommer ce qui a été créé devient essentiel. De plus en plus d’influenceurs sont conviés aux évènements spéciaux organisés par les marques, témoignant ainsi du primat de la communication et la médiatisation dans la consommation des collections.

Réinventer une mode respectueuse de l’environnement et des animaux

Les Fashion Week ont récemment fait l’objet de vives critiques en raison de leur impact environnemental, en particulier en ce qui concerne leur empreinte carbone. Selon une évaluation effectuée par le Carbon Trust, les Fashion Week de New York, Londres, Milan et Paris généreraient annuellement environ 241 000 tonnes de dioxyde de carbone (CO2), principalement en raison des voyages effectués par les acheteurs et les designers. Cette quantité équivaut à l’énergie nécessaire pour illuminer Times Square pendant une période de 58 ans. Lors de l’analyse des principales sources d’émissions de carbone associées à ces événements, plusieurs éléments clés ont été révélés. Tout d’abord, les trajets en avion se distinguent en tant que principale source d’émissions, atteignant un total impressionnant de 147 000 tonnes de dioxyde de carbone (tCO2). De plus, les émissions liées aux logements et aux hôtels jouent un rôle significatif, représentant 78 000 tonnes d’équivalent CO2 (tCO2e). Les déplacements entre les différentes villes hôtes de la Fashion Week sont responsables de 11 000 tCO2e, tandis que le transport des collections de mode contribue avec 5 000 tCO2e supplémentaires.

Les voyages en avion, la conception des décors de défilé, les besoins en logements, et bien d’autres aspects soulignent ainsi l’impératif de réfléchir à des solutions plus durables pour l’industrie de la mode. Des efforts sont donc actuellement déployés pour rendre ces événements plus respectueux de l’environnement, reflétant ainsi une prise de conscience croissante des enjeux écologiques. Alors que le site Ordre.com prônait le défilé digital comme l’une des alternatives éco-responsables aux défilés physiques, la pandémie a brusquement modifié la donne. Désormais, il suffit de cliquer sur « lecture » pour assister à un défilé. Aussi, les TikTokeurs ont lancé le défi du « #Frontrowchallenge », publiant des vidéos d’eux-mêmes assis sur des chaises, applaudissant des défilés fictifs tout en arborant les tenues qu’ils auraient portées aux shows de Miu Miu, Prada, ou Gucci. Certes, la réduction forcée des déplacements semble avoir un impact, mais il existe peu de données quant à la pollution numérique engendrée par le téléchargement massif de vidéos de défilés en ligne, souvent de haute qualité et visionnables à l’infini. La norme ISO 20121, qui promeut le développement durable dans le domaine de l’événementiel, s’applique aussi bien aux festivals qu’aux défilés de mode. Elle offre des directives et des démarches pour gérer un événement tout en maîtrisant son impact sur les plans social, économique et environnemental. Bureau Betak, une entreprise spécialisée dans la production et le design de défilés de mode, a d’ailleurs obtenu la précieuse certification ISO 20121, confirmant ainsi son engagement en faveur d’une mode plus durable.

Au-delà de la question environnementale, l’industrie de la mode et de la haute couture se trouve aujourd’hui confrontée à des questions de plus en plus pressantes concernant la protection et le bien-être animal. Traditionnellement, de nombreuses matières premières utilisées dans la mode, comme la fourrure, la laine, ou le cuir, proviennent d’animaux. Cependant, l’essor des mouvements de défense des droits des animaux et les préoccupations croissantes pour l’éthique ont poussé l’industrie à revoir ces pratiques. De plus en plus de marques de mode adoptent des approches plus éthiques et durables en privilégiant des alternatives végétales ou synthétiques aux matériaux d’origine animale. La mode vegan, qui exclut toute utilisation de produits d’origine animale, gagne également en popularité. Par ailleurs, des normes et des certifications émergent pour garantir le respect des normes éthiques en matière de bien-être animal. Cela inclut des initiatives telles que le label « cruelty-free » ou « vegan » et des pratiques de production plus transparentes.


[1] F-M Grau (2000), La haute couture, Paris, PUF.