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Kowloon : Generic Romance par Jun Mayuzuki – entre illusions et nostalgie

Ça y est, l’automne est enfin là et la nostalgie estivale nous envahit progressivement alors que le ciel s’assombrit et que la température se refroidit. 

Septembre est un mois de découvertes et de redécouvertes ; qu’il s’agisse d’une nouvelle année académique ou professionnelle pour certains, ou bien de changements soudains dans un quotidien trop habitué à la torpeur de l’été pour d’autres, ce neuvième mois de l’année n’est pas en restes de surprises et de bouleversements. 

C’est d’ailleurs ce 3 septembre dernier qu’est sorti le volume 2 de Kowloon : Generic romance, un manga dont l’action se situe dans un mystérieuse citadelle hongkongaise aujourd’hui rasée, Kowloon.  

Je vous propose donc pour le premier Weekly Manga du mois d’octobre, ce manga aux graphismes très 90s et aux représentations architecturales longuement étudiées, afin de restituer au mieux la citadelle… sur papier !

Synopsis : 

Kujirai, jeune femme dans la trentaine et agent immobilier dans une petite agence de quartier, vit un quotidien en apparence banal mais au sein duquel règne une nostalgie accablante. Le passé, le présent et le futur semblent s’entremêler entre les murs de la citadelle de Kowloon et Kujirai ne peut compter que sur des acquis qui, malgré une perte de mémoire importante mais rarement mentionnée, semblent lui être restés. 

Ainsi, comme la cigarette qui se marie étrangement bien avec le goût de la pastèque, un sentiment familier s’empare de Kujirai lorsqu’elle est avec Kudô, son collègue agent immobilier. Jeune homme dans la trentaine également, il semble lui aussi troublé par sa proximité instinctive avec Kujirai. 

Impressions : 

Kowloon : Generic Romance met sur le tapis des questionnements que l’on préfèrerait garder enfouis en soi. Pour ce faire, le récit prend comme protagoniste principale un personnage féminin qui semble in limbo, dans un entre-deux tellement omniprésent à travers le récit qu’il semble presque incarner un personnage à part entière. 

Cet entre-deux prend tantôt la forme d’une amertume étouffante, tantôt celle d’une nostalgie à la douceur étonnante ; les personnages ne vivent pas dans le présent mais sont pris au piège par un passé dont personne ne parle. Pour Kujirai, il semble parfois plus facile de vivre au fil de ces émotions et de ces ressentis générés par cette nostalgie afin de mettre de côté l’amertume. Cependant, cette dernière semble avoir pris le pas sur le quotidien de Kudô, dont la triste résignation interroge Kujirai. 

Dans ce manga, il est aussi question d’une quête d’identité individuelle qui pourrait bien changer la vie de Kujirai. Des révélations venant bouleverser la quiétude de ses journées, l’amènent à enquêter sur ce passé vraisemblablement inaccessible et lui permettent de se découvrir petit à petit. 

Tout comme l’amour est comparé à la nostalgie, la question de l’apparence est elle aussi abordée et met en exergue la relation que les personnages ont au temps et à son effet sur le corps ; alors que Kujirai redoute la moindre ride, Kudô ne cesse de la taquiner à ce sujet. Par ailleurs, la cité de Kowloon est sujette à un changement urbain et social majeur : l’implantation du groupe Gene Terra dans le quartier. La modernisation de celui-ci est imminente et le quotidien au sein de Kowloon est destiné à de grands bouleversements. 

La science-fiction se fait une place dans le récit, notamment de par la médecine proposée par Gene Terra qui permet par ailleurs à Kujirai de soigner sa mauvaise vue et pourrait potentiellement la libérer de ses complexes liés aux traces du temps précoces que porte son corps. En plus d’incarner un énième mystère pour le lecteur, Gene Terra est, entre autres, un sujet de discorde entre Kujirai et Kudô qui voient dans leurs croyances se confronter une vision progressiste et une autre plus conservatrice de ce que devrait être l’avenir de Kowloon. 

Ainsi, Kujirai n’est pas la seule à être coincée dans le passé. Mais alors qu’elle fait face à des barrières liées à son amnésie, Kudô lui, s’impose à lui-même cet arrêt dans le temps, qui lui empêche parfois de faire le pas nécessaire pour se défaire de l’amertume. De ces deux personnages intrinsèquement liés par une affection qui dépasse les murs de l’agence, semble émaner un amour latent, que leurs sens engourdis ne parviennent pas encore à déceler. 

Pour conclure :

Ce manga apporte une réflexion brute sur des thématiques universelles telles que l’amour et l’angoisse du temps qui passe. Les peurs et les tourments des personnages ne sont pas éclipsés afin de permettre une glamourisation du récit ; les combats internes des protagonistes sont illustrés à travers leurs liens sociaux et leur manière de se comporter en société. Les personnages, errant auparavant dans un quotidien morne et monotone, se trouvent confrontés à des événements qui les font sortir de leur zone de confort ; qu’il s’agisse de la naissance de sentiments ou de la présence grandissante de Gene Terra, Kowloon : Generic Romance aborde divers thèmes à la fois mais toujours de manière très subtile.

A suivre dans le tome 3 dont la sortie est prévue pour Décembre 2021 !