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Comptes rendus d'expos

L’éclosion de Damien Hirst à la Fondation Cartier pour l’art contemporain

Du 6 juillet 2021 au 2 janvier 2022, la Fondation Cartier pour l’art contemporain expose une sélection de trente peintures en série, les Cerisiers en fleurs, sur les cent-sept toiles peintes dès 2018 par Damien Hirst. L’exposition est organisée sur deux étages et de manière chronologique, ce qui permet de constater une différence, une évolution dans le traitement des cerisiers en fleurs. Au début réalisés avec profusion, comme si l’artiste expérimentait, les toiles deviennent ensuite plus grandes et plus aériennes. Chaque salle est frappante par sa luminosité et ses murs blancs sur lesquels sont accrochées ces peintures extrêmement colorées. Les emplacements et titres des oeuvres sont indiqués de manière groupée salle par salle, il n’y a aucun cartel à côté des oeuvres, afin de laisser l’espace dédié au tableau le plus pur possible, comme dans un cocon propice à la contemplation.

La Fondation fournit un guide à l’entrée et dans toutes les salles plusieurs médiateurs sont présents, ce qui permet au public de poser des questions, de discuter, d’interagir véritablement avec les oeuvres et l’artiste. Le guide fournit des informations sur l’exposition mais aussi sur la vie de Damien Hirst ainsi qu’un entretien entre le peintre et Tim Marlow, directeur du Design Museum de Londres depuis 2020. Il est aussi possible, à l’aide d’un QR code, de regarder un documentaire sur la genèse des Cerisiers en fleurs mais également un film de l’atelier de Damien Hirst. Le visiteur se retrouve ainsi devant un ensemble extrêmement complet et satisfaisant, qui lui permet de vraiment visiter l’exposition en apprenant, qu’il soit familier avec l’art contemporain ou pas.

© Joana Sarralheiro

Ce qui est frappant pour le public connaissant l’oeuvre de Damien Hirst, c’est la nouveauté de cette exposition. Auparavant choquant et polémique comme avec la série Natural History en 1991 (des animaux plongés dans un aquarium de formol) ou sa dernière exposition Treasures from the Wreck of the Unbelievable à Venise en 2017 (un projet de fausse découverte d’épave), l’artiste revient plus solitaire avec ses Cerisiers en fleurs. Il renoue avec la peinture, médium qu’il apprécie énormément mais dont il se détachait dû au fait qu’elle n’était pas dans l’air du temps à ses débuts, dans les années 1980. Il réalise sur des toiles de grand format sur lesquelles il peint des cerisiers aux milles et unes couleurs. La matérialité prend le dessus lorsqu’on s’approche de la toile, le cerisier devient une composition abstraite d’empâtements de couleurs. Hirst s’exprime, il se cherche et rend son art plus accessible. Il a commencé cette série lors de son confinement à Londres. Il dit lors d’un film réalisé par la Fondation Cartier : « La pandémie m’a permis de vivre avec mes peintures et de prendre le temps de les contempler, jusqu’à ce que je sois certain qu’elles étaient toutes terminées ».

C’est aussi ce qui rend cette exposition moins marquante : elle est en effet purement esthétique et non plus polémique ou réellement novatrice dans l’oeuvre de Damien Hirst, minimisant son impact dans l’art contemporain aujourd’hui. Cette exposition, première exposition institutionnelle de Damien Hirst en France, semble tout de même être extrêmement marquante pour l’artiste en tant qu’humain, qui se découvre et se réapproprie son art pour en faire un élément calme et agréable. Ce que l’on ressent surtout à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, c’est le plaisir qu’a pris l’artiste à réaliser ces peintures.

L’exposition est très agréable à visiter, lumineuse, le lieu est spacieux et vivant, et malgré l’aspect répétitif et purement esthétique, il est réjouissant de voir Hirst proposer quelque chose de différent. Il semble enfin vouloir faire de l’art pour lui et non plus seulement pour l’histoire ou pour la célébrité. C’est une bouffée d’air frais, un voyage au temps des cerisiers en fleurs dans un Paris à l’été sous le signe de la pluie et du mauvais temps.