Au décès de l’artiste Christo en mai 2020 débutait l’exposition Christo et Jeanne Claude au Centre Pompidou, à Paris. Celle-ci, venant de se terminer le 19 octobre, était dédiée aux oeuvres et projets de Christo (1935-2020) avec sa femme Jeanne Claude (1935-2009), en rapport avec la ville de Paris. Il s’agissait de montrer les débuts et l’éclosion artistique du couple qui partait s’installer à New York en 1964. Ainsi, l’exposition se divise en deux parties : les années parisiennes, entre 1958 et 1964, puis le projet du Pont-Neuf empaqueté, entre 1975 et 1985.
L’exposition ouvre sur les années parisiennes de Christo et Jeanne Claude qui se rencontrent lorsqu’ils ont tous les deux 23 ans à Paris. Lui a fui la Bulgarie communiste en passant par Prague, Vienne puis Genève, avant de s’installer à Paris en 1958. Ancien élève de l’Académie des beaux-arts de Sofia, il réalise des portraits de familles aristocratiques pour gagner sa vie. Progressivement, Christo dépasse la peinture de chevalet en développant de nouvelles idées, notamment l’empaquetage ou l’utilisation de barils. L’un de ses premiers projets extérieurs consistait en la construction d’un mur de barils constituant un rideau de fer dans la rue Visconti à Paris, en 1961, après la construction du mur de Berlin, dont l’exposition montre une photo. Quelques barils sont aussi exposés, empilés les uns sur les autres dans des positions différentes.
L’empaquetage devient par la suite la marque de fabrique de Christo. Ce qu’il recherche, c’est l’association des effets de matière, de textures ainsi que des couleurs. Il choisit chaque élément, allant du tissu aux cordes. L’objet empaqueté devient mystérieux car il est souvent difficile de savoir ce qui se cache sous le tissu. Christo va aussi empaqueter des statues avec du polyéthylène, un plastique transparent. Une vidéo de son empaquetage de la statue Le Printemps de Paul Niclausse sur l’esplanade du Trocadéro en 1964 est montrée au Centre Pompidou.
Il est difficile de ranger Christo dans un mouvement artistique. En effet, ses projets et recherches déconcertent. En 1960, il participe à l’exposition « New Realists » dans une galerie prestigieuse de New York où il est classé en tant qu’artiste effectuant du readymade, ce qui ne lui correspond pas. Son affiliation avec le mouvement du Nouveau Réalisme ne dure pas puisqu’il ne s’y sentait pas comme un membre. Christo et Jeanne Claude sont définis comme un couple d’artistes contemporains, par leurs projets imposants et éphémères.
La deuxième partie de l’exposition, sur le fameux empaquetage du Pont-Neuf, est extrêmement complète, grâce au dossier constitué par Christo et Jeanne Claude. En effet, le couple a documenté ce projet avec de nombreuses photos de Wolfgang Volz, la maquette du Pont-Neuf, de nombreux croquis et toutes les lettres échangées avec les personnes dont ils devaient avoir l’approbation ou la collaboration, notamment Jacques Chirac, le maire de Paris à l’époque. Il y a en tout dans cet exposition-dossier 337 pièces, dont 37 œuvres originales de Christo datant de 1975-1985. Le Centre Pompidou a aussi mis à disposition 14 éléments originaux utilisés lors de l’empaquetage, comme des cordes, des câbles ou du tissu.
Une copie du film réalisé par Albert et David Maysles documente ce projet et permet au visiteur de se familiariser avec Christo et Jeanne Claude, qui racontent leurs anecdotes et que l’on suit à travers leur long et difficile parcours qui aura pris dix ans avant l’accord du maire soit donné pour la réalisation de leur projet. Sont filmés Christo et Jeanne Claude racontant leur rencontre et des anecdotes légères de leur histoire, leurs tentatives de convaincre la Ville de Paris et ses habitants, puis enfin l’empaquetage et les réactions des parisiens face à ce projet extrêmement novateur.
Pour Christo, son projet est réussi. Ce qu’il désirait faire en empaquetant le Pont, c’était faire discuter les gens entre eux par rapport à ce qu’il avait réalisé. On voit notamment dans le film deux hommes ne partageant pas le même avis, l’un s’indignant, l’autre lui disant que sans ce projet, ils ne se seraient sûrement jamais parlés ou croisés de leur vie.
Les recherches de Christo et Jeanne Claude ne se limitent pas à Paris. Ils continuent leurs projets jusqu’aux années 2000, dans plusieurs pays différents. Nous pouvons par exemple citer l’Empaquetage du Reichstag en 1995, pour lequel cinq million de personnes se sont déplacées. Un de leurs projets les plus connus s’intitule The Gates et date de 2005. Ce projet, situé à Central Park dans la ville de New York, était une installation de 37 km définie par la présence de 7 500 portiques inspirés des portes torii japonaises d’environ cinq mètres. Les portiques, accompagnés d’un tissu, étaient tous deux oranges.
Au début de ses années parisiennes et durant l’élaboration des projets d’empaquetage de Christo, avaient été considérés plusieurs bâtiments parisiens, notamment l’Arc de Triomphe. Ce projet n’a jamais été réalisé de son vivant mais est prévu pour septembre 2021, un bel hommage à l’artiste qui a marqué l’histoire du Pont-Neuf.
PS : Le Centre Pompidou met à présent à disposition des podcasts des expositions, celui de cette exposition ayant un entretien avec Christo lui-même !