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Accrochage à l’Assemblée nationale : quid de la féminisation des noms de fonctions politiques dans l’hémicycle ?

À l’occasion de débats parlementaires sur une série de propositions de lois du groupe les Républicains, concernant le champs de compétences de Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, une altercation a éclaté entre Julien Aubert, député LR, et celle-ci, sur une question sortant totalement du sujet initial. Pour mentionner ou s’adresser à Barbara Pompili, le député utilisait le masculin, « Madame le ministre », ce qui n’a pas été au goût de cette dernière. Elle retorqua donc à  Julien Aubert, fermement, à être appelée « madame la ministre », et, en guise de réponse, voire de provocation, le député l’appela « monsieur la rapporteure ».

Un sujet pas inédit

Ce débat n’a pas été sans susciter une réaction d’Annie Génevard, vice-présidente de l’Assemblée nationale. La députée du Doubs, elle aussi membre des Républicains, a tenu à défendre les propos de son confrère. Elle considérait que, quoiqu’en pense la ministre de la transition écologique, la formulation, au masculin, de sa fonction « madame la ministre » était conforme à la langue française. Elle a revanche qualifié de « provocation » la réponse faite par Barbara Pompili.

« Madame la ministre » ou « Madame le ministre » ? Le sujet ne manque pas de diviser, et ce n’est pas la première fois qu’il éclate dans l’hémicycle. Dernière fois en date ? 2014, entre la présidente Sandrine Mazetier et le même Julien Aubert. Celui-ci avait refusé d’appeler la présidente de séance par le féminin, et avait répliqué sans y être invité, entrainant un rappel à l’ordre et la mise en œuvre de l’article 71 du règlement de l’Assemblée. Il avait été à ce titre privé d’un quart de son indemnité parlementaire pendant un mois.

Photo de Barbara
Pompili, site de
l’Assemblée Nationale

Une divergence entre l’avis de l’Académie, et le règlement

Mais alors en définitive, « Madame LA ministre » ou « Madame LE ministre » ? La réponse est à la fois simple et compliquée. Il faut en fait distinguer deux hypothèses. D’abord, l’archaïque Académie française se refuse toujours à cette féminisation, et impose encore l’usage « madame le ministre ». D’un autre côté, l’article 19 de l’instruction générale du bureau de l’Assemblée nationale, introduit en 1998 dispose que « Les noms de Mmes les députées ou de MM. les députés sont publiés au Journal officiel à l’exclusion de tout titre nobiliaire ou de grade. » et que « Les fonctions exercées au sein de l’Assemblée sont mentionnées avec la marque du genre commandée par la personne concernée ». Il est à noter qu’au sens strict, cet article ne s’impose à qu’en ce qui concerne les comptes rendus de séance. Il y aurait donc un flou quant aux règles s’imposant à l’oral au sein de l’hémicycle. Mais ce flou a été clarifié, comme nous l’avons déjà mentionné, en 2014, le bureau de l’Assemblée avait considéré que cette disposition trouvait à s’appliquer à l’oral. Claude Bartolone, alors président de l’Assemblée, avait explicitement fait primer le règlement régissant l’Assemblée aux règles de l’Académie. Et Julien Aubert ne pouvait légitimement l’ignorer, puisqu’il était déjà en cause à l’époque, réduisant sa dernière altercation à de la simple provocation, peu digne de la fonction qu’il occupe.

Siège de l’Académie Française à Paris

En d’autres termes, la règle est d’appeler une ministre, ou une députée « madame la ministre » ou « madame la députée », et Annie Génevard avait donc totalement tort. Il est tout à fait acquis qu’au sein de l’Assemblée, la féminisation des noms de fonctions s’impose.