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Les Fossoyeurs et le scandale des EHPAD Orpea : une audition décevante devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée

Le 24 janvier, la sortie de l’ouvrage Les Fossoyeurs, mettant en lumière de graves manquements dans les soins prodigués par le leader d’EHPAD Orpea, a mené à l’audition des représentants de la société devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, laquelle s’est révélée décevante. Lumière sur cette affaire, et sur le système d’audition des commissions de l’Assemblée nationale.

Les Fossoyeurs et le scandale des EHPAD

Le 24 janvier, la bombe est lancée. Victor Castanet, journaliste du Monde publie Les Fossoyeurs, « révélations sur le système qui maltraite nos aînés ». Résultat de trois ans d’enquête et d’environ 250 entretiens, au sein des établissements ORPEA, leader mondial sur les EHPAD, l’ouvrage pointe de graves maltraitances.

Orpea est pourtant leader mondial dans le domaine des EHPAD, y compris dans les EHPAD de luxe. Comptez en effet plus de 7000 euros par mois pour y vivre. Ces EHPAD bénéficient par ailleurs de financements publics, de l’État, mais aussi des départements.

Pourtant, l’ouvrage révèle des faits extrêmement choquants pouvant se rapprocher de véritables maltraitances. On y raconte notamment le manque de couches pour les résidents, plafonné à trois par jour, peu importe les conditions.

En cause ? Un manque de moyens, un système qui cherche avant tout le profit en faisant un maximum de bénéfices au grand dam du confort, jusqu’au plus primaire, des résident.e.s. Cette rationalisation est aussi pointée par les employé.e.s mêmes des établissements, qui regrettent de ne pas pouvoir prodiguer les soins appropriés aux résidents.

Une affaire révélatrice du caractère lucratif des établissements de soin aux personnes âgées

S’il y a une chose sur laquelle la crise du covid, et notamment les premiers temps de cette crise, a mis en lumière, c’est la détresse des personnes âgées résidant en EHPAD. L’isolement des personnes âgés y est parfois insupportable, mais ce n’est pas tout. En effet, les établissements de types EHPAD ou autre maisons de retraite, s’ils constituent un coût considérable pour les familles, manquent cruellement de moyen, et de personnels. Ou plutôt, les moyens mis en œuvre sont trop faibles, et les personnels trop peu nombreux. Dès lors, impossible de fournir un service, ou un soin qui soit d’une qualité correcte, et ce a fortiori au prix payé. Les faits mis en lumière par Les Fossoyeurs sont peut-être extrêmes, mais il n’est pas rare que les conditions de vie des personnes âgées soit, sinon inacceptables, catastrophiques.

Si les EHPAD représentent en principe une solution d’autant plus nécessaire que la population française, et mondiale, vieillit de plus en plus, et que les populations actives sont bien en peine de s’occuper de leurs aîné.e.s, et qu’il faut une prise en charge des personnes âgé.e.s dépourvu.e.s d’autonomie, cette affaire dévoile un problème systémique découlant de la logique de profits qui préside à la gestion de ces établissements : profit et dépenses étant antinomiques, il n’est pas étonnant que les moyens dédiés aux soins soient insuffisants en dépit du prix payé par les familles ou les résident.e.s eux/elles-mêmes. 

Une audition décevante

Les député.e.s ont ainsi tenu à auditionner notamment le nouveau PDG du groupe Philippe Charrier, afin de faire la lumière sur les manquements mis en évidence dans l’ouvrage publié. L’ancien PDG a, quant à lui, été limogé car sa présence en fonctions était incompatible avec l’enquête interne.

Aussi celui-ci s’est-il vu poser des questions par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, mais les député.e.s ont été déçu.e.s de réponses caractérisées par des propos creux.  Aucune réponse satisfaisante ne semble avoir été apportée, comme l’ont dénoncé plusieurs député.e.s. Des réactions parfois vives, à l’image de celle de la députée LREM Charlotte Parmentier-Lecocq  : « Je suis outrée par la posture de Philippe Charrier et Jean-Christophe Romersi. Depuis deux heures vous ne répondez pas à nos questions. (…) Force est de constater que nous n’aurons aucune réponse spontanément de votre part». L’absence de réponse des deux auditionnés a par ailleurs suscité l’indignation du député Modem Nicolas Turquois, qui a soulevé un « discours creux sur de grands principes », suivi d’«arguments technico-administratifs, des chiffres qui ont noyé le poisson ». Une absence de « transparence et humilité » que regrette le député, qui est allé jusque’à qualifier l’audition de « mascarade ».
De leur côté, les représentants de la firme ont tenté de tirer sur la corde sensible en brandissant l’argument patriote, et la nécessité de protéger les entreprises françaises, a fortiori lorsqu’elles sont leader dans un domaine, comme c’est le cas pour ORPEA.

Quid du système des auditions devant les commissions de l’Assemblée nationale ?

L’Assemblée nationale, l’une des deux chambres constituant le Parlement français, institution législative de notre démocratie, comprend des commissions permanentes, dont le but est à la fois de préparer le débat législatif en séance publique et d’informer l’Assemblée et contrôler le Gouvernement.  Elles peuvent mener des auditions, et elles adoptent un rapport et procède à des amendements.

Elles sont au nombre de huit : la commission des affaires culturelles et de l’éducation, la commission des affaires économiques, la commission des affaires étrangères, des affaires sociales, de la défense nationale et des forces armées, du développement durable et de l’aménagement du territoire, des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, et enfin la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

C’est dont la commission des affaires sociales qui a auditionné ORPEA suite aux révélations de manquements graves dans le soin aux personnes âgées. Elle est composé d’une Présidente, d’un rapporteur général, de vice-présidents, de secrétaires et de nombreux membres.