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Intox : l’abaissement de la majorité sexuelle à 13 ans ?

Le 21 janvier, en pleine affaire sur les incestes (cf. : affaire Duhamel), le Sénat a adopté la proposition de loi de la sénatrice A. Billon visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels. Ce texte a été mal compris par certain.e.s, au point qu’on a pu lire qu’il « abaisse la majorité sexuelle à 13 ans ». Or, c’est faux, et il nous faut voir pourquoi.

L’état du droit actuel

Actuellement, le droit considère qu’une relation sexuelle entre un majeur et un mineur de quinze ans est interdite, et est condamnée de sept ans d’emprisonnement et de 100000 € d’amende (article 227-25 du Code pénal, ci-après CP). Et ce, même si la relation a été consentie, qu’elle n’est le fait d’aucune violence ni surprise. On parle alors d’atteinte sexuelle.

En revanche, dès lors que cet acte est commis avec violence, contrainte physique ou morale ( 222-22-1 CP), menace ou surprise, il est qualifié d’agression sexuelle (222-22 CP) et est  puni de dix ans d’emprisonnement et de 150000 € d’ammende (222-29-1 CP).

De plus, lorsque cet acte comprend une pénétration exercée par violence, contrainte, menace ou surprise, il est qualifié de viol (222-23 CP) et est puni de vingt ans de prison.

Ainsi, pour résumer, une relation sexuelle entre un majeur et un mineur de quinze ou moins est interdite, même si elle est consentie. Dans ce cas, le majeur pourra être poursuivi pour atteinte sexuelle. Pour prouver l’agression sexuelle, il faut démontrer une contrainte, une menace ou une surprise, et une pénétration sexuelle dans le cas du viol. Très concrètement, cela signifie qu’une fille de onze ans, ayant eu un acte sexuel avec un majeur sans contrainte, ni menace, ni surprise, était considérée comme consentante, d’où l’acquittement de son agresseur (Cour d’assises de Seine-et-Marne, novembre 2017). Or, on se rend bien compte qu’à onze ans, il est bien difficile de consentir à un acte sexuel. C’est pour pallier ce problème que la proposition de loi est intervenue.

Les modifications apportées par la loi

La proposition de loi défendue par Mme Billon (entre autres) et qui a été adoptée prévoit la création d’un nouvel article 227-24-2 du Code pénal, lequel prévoit que « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis par une personne majeure sur un mineur de treize ans est puni de vingt ans de réclusion criminelle lorsque l’auteur des faits connaissait ou ne pouvait ignorer l’âge de la victime ».

Il faut donc comprendre que toute pénétration sexuelle commise avec un mineur est puni de la même manière que le viol, et ce sans qu’il y ait besoin de vérifier s’il y a eu menace, violence ou contrainte. On change donc ici de vision, en affirmant qu’un mineur de moins de treize ans n’est pas en capacité de consentir à un rapport sexuel.

Le débat autour du seuil de 13 ans

On voit donc bien que le Sénat n’a pas « abaissé la majorité sexuelle à 13 ans ». D’abord, parce que la majorité sexuelle en France n’existe pas : il n’y a pas d’âge minimum pour avoir une relation sexuelle. Il y a seulement un âge en dessous duquel un mineur ne peut pas avoir de rapport sexuel avec un majeur (quinze ans, voire dix-huit si le majeur a une autorité sur le mineur). Cette proposition de loi vient donc renforcer la protection des mineurs contre les agression sexuelles en prévoyant que le juge n’aura plus besoin de vérifier les circonstances de l’acte sexuel : quelque soit la pénétration, si le mineur a treize ou moins, l’acte sera puni comme un viol.

Néanmoins, un point demeure problématique pour certain.e.s : un mineur de plus de treize ans est-il en capacité de consentir ? Le droit ne changera pas quant à cette question, sauf si l’Assemblée nationale, qui doit elle aussi adopter le texte, en décide autrement. Concrètement, cela signifie que pour un mineur de plus de treize ans, le juge devra encore caractériser la contrainte, la violence ou la surprise pour qualifier l’acte de viol.

Sources

William Audureau, « Non-consentement avant l’âge de 13 ans : ce que dit la proposition de loi », Le Monde, 29 janvier 2021: URL

Proposition de loi n° 158 visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels : URL

Code pénal, Livre II, Titre II, « Des atteintes à la personne humaine » (articles 221-1 à 227-33) : URL