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Compte rendu : Manifestation « Libertés » du 28 novembre 2020

Nous nous sommes rendus samedi dernier à la manifestation pour les libertés place de la République à Paris. Nous vous en parlons ici en mots, et en images !

Une mobilisation massive

Ce qui nous a frappé.e.s dès la sortie du métro, ce fut le nombre de personnes présentes. La mobilisation avait été massive. Si le ministère de l’Intérieur annonce 46 000 manifestants, les organisateurs déclarent que pas moins de 200 000 personnes étaient présentes samedi. Ce chiffre nous semble bien plus conforme à la réalité que nous avons observée. En France, 133 000 personnes ont manifesté dans de nombreuses villes selon le ministère, 500 000 selon les organisateurs. En tout état de cause, c’était la première fois que nous voyions la place de la République investie par tant de personnes. Pour rappel, saisi par les organisateurs quelques jours avant en référé- liberté, le Conseil d’État avait suspendu l’arrêté portant l’interdiction de la Préfecture de police de Paris qui interdisait la marche de la Place de la République à la Place de la Bastille.

Des manifestant.e.s bien au fait des enjeux

N’en déplaise à Jean Castex et à sa condescendance consternante, nous n’avons pas « mal compris » la proposition de loi (pas plus d’ailleurs que la Défenseure des droits, que l’ONU et que les innombrables avocat.e.s et juristes qui s’en sont insurgé.e.s.). Le nombre de manifestant.e.s montre fort bien à quel point chacune et chacun avait pris conscience de l’enjeu fondamental de cette manifestation, qui visait à contraindre le gouvernement à retirer un certain nombre des dispositions de la proposition de loi « Sécurité globale », et notamment son article 24 prévoyant la pénalisation de la diffusion d’images de policiè.re.s (voir notre article sur le sujet) et qui pose d’innombrables problèmes en matière de droits et libertés fondamentales.

Nous avons interrogé quelques-unes des personnes présentes sur place. Pourquoi s’être mobilisé.e ? Pour « défendre nos libertés », et parce que si nous ne le faisions pas, alors personne ne le ferait. Cette loi, « c’est du floutage de gueule ! » avons-nous entendu. Une manifestante nous a expliqué qu’elle venait défendre la liberté d’expression, l’une des plus fondamentales, et surtout faire en sorte que la loi ne puisse pas être adoptée, car dès lors elle « ouvrirait la porte » à d’autres lois anti-démocratiques, qui paveraient le chemin de l’autoritarisme. Une autre manifestante nous a toutefois confié considérer que nous n’étions pas encore dans un État autoritaire. Des citoyen.ne.s motivé.e.s et surtout bien au fait des enjeux politiques et juridiques, donc !

Une manifestation majoritairement pacifiste

Une manifestation aussi massive, a fortiori lorsqu’elle veut contester une loi tendant à renforcer le statut des forces de l’ordre aurait a priori toutes les chances de dégénérer. Pourtant, ce que nous avons vu, nous, c’est un pacifisme exemplaire pendant la quasi-totalité de la manifestation. Forces de l’ordre et manifestant.e.s avaient tenu à ne pas transformer ces revendications en heurts et en violence. Preuve encore que les manifestant.e.s étaient dans leur immense majorité venu.e.s défendre leurs droits, et que c’était là leur seul et unique but.

Des heurts et violence en fin de manifestation, à cause des black blocs

Arrivé près de Bastille, les premières fumées. Une voiture, puis une moto étaient en flammes. À Bastille, l’ambiance n’était plus la même, et les flammes bien plus nombreuses. Les gaz lacrymogènes ont donc naturellement été lancés, et nous avons fini par retourner au métro pour éviter davantage de heurts. Ce sur quoi nous tenons à attirer votre attention (et s’il n’y a qu’une seule chose que vous deviez retenir de cet article, c’est bien celle-ci), c’est que toutes ces violences ne sont en aucun cas le fait des manifestant.e.s. Elles sont le fait de black blocs qui ne poursuivent pas les revendications des manifestant.e.s, et qui d’ailleurs se rendent souvent directement sur les lieux de destination des marches dans le but de semer la zizanie et d’attaquer les forces de l’ordre. Il n’y a donc pas lieu de dire, comme nous avons pu le lire sur certains réseaux sociaux, que les manifestant.e.s poursuivaient certes des intérêts légitimes, mais se décrédibilisent en étant violent.e.s.

Croquis de Fred Spirin

Les blacks blocs, il y en a très souvent en manifestation, et ce sont souvent les mêmes. On peut dès lors se demander comment il est possible qu’ils n’aient pas encore été mis hors d’état de nuire. De plus en plus, nous avons des témoignages de personnes en relation avec les Préfectures qui indiquent que les services de renseignement des Préfectures de police connaissent les noms de ces black blocs, mais qu’il n’est jamais ordonné aux forces de l’ordre de procéder à leur arrestation. Très récemment, Linda Kebbab, policière, a indiqué à Bourdin Direct que les black blocs étaient clairement identifiés, et que le code de procédure pénale permettait, par le biais des contrôles d’identités, de les arrêter, mais que l’ordre n’était jamais donné. Et ce n’est pas la première fois que cette même affirmation est faite aux médias. Pourquoi alors ? L’hypothèse principale est que les Préfectures de police instrumentalisent les black blocs, laissant libre cours à leurs méfaits de manière à discréditer les manifestants. Et cela fonctionne ! Puisque l’opinion publique s’indigne (à raison) de ces violences en les imputant (à tort) aux manifestant.e.s. Cela peut aussi dissuader d’aller en manifestation pour éviter d’être blessé.e. D’autres vont encore plus loin en affirmant que parmi les black blocs, il y aurait des policièr.e.s en civil, arguant des expériences personnelles au cours desquelles ils auraient vu des policiers en civil se transformer en de violents black blocs. Nous ne nous prononcerons pas là-dessus, mais dès lors qu’il est avéré que les Préfectures laissent libre cours aux black blocs, cette affirmation n’est en tout état de cause pas absurde.

Merci à Fred Spirin de nous avoir partagé ses croquis de la manifestation ! Vous pouvez les retrouver en totalité sur notre Instagram.