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My Entire High School is Sinking into the Sea, Dash Shaw

Des silhouettes tombent en hurlant sur des tâches de peintures colorées : c’est sur cette image énigmatique que s’ouvre le film de Dash Shaw, My Entire High School is Sinking into the Sea. Entre teenage movie et film catastrophe, il explore différents styles graphiques en utilisant des techniques plastiques multiformes.

Auteur et dessinateur de bande dessinée, l’artiste réalise son premier film d’animation. Il est question d’un lycée qui, comme l’indique le titre, coule sous la mer et dont les élèves vont devoir tout mettre en œuvre pour survivre et remonter à la surface. L’originalité du film réside dans le décalage créé entre le caractère dramatique de la situation et les thèmes déjà bien éculés du film d’adolescent : popularité, acné, amitié. Dash Shaw tire ses influences de la pop culture qui viennent enrichir la narration. Le film s’inspire notamment de l’univers des jeux vidéos : cette remontée n’est pas sans rappeler les donjons à étages, dont le but est d’arriver au sommet ou du moins le plus haut possible. Ainsi une scène de bagarre prend des airs de beat-them-all. 

Le film vaut le coup d’œil pour sa forme même. Ce qui fait la force de My Entire High School is Sinking into the Sea, c’est sa capacité à captiver son spectateur par son univers coloré. Les effets visuels sont divers : certaines scènes semblent sorties d’une aquarelle, d’autres sont brossées comme à l’acrylique avec de gros coups de pinceaux, enrichies parfois par des marques semblables au pastel. Le collage, la peinture, le crayon, l’animation numérique sont autant de techniques utilisées avec inventivité pour un résultat surprenant. La séquence du souvenir d’un camp scout, par exemple, prend la forme d’un collage de personnages sur ce qui semble être les pages d’un herbier. L’ensemble du film se distingue par sa capacité à proposer des variations de couleurs et d’effets. Les scènes de chaos sont particulièrement réussies et les couleurs criardes, ainsi que les effets d’animation agressifs traduisent la panique ressentie par les personnages. L’ambiance onirique aux couleurs pastel de certains souvenirs s’opposent à des scènes beaucoup plus violentes, sorties parfois d’un cauchemar.

Malgré ce concept audacieux, le film a tendance à se reposer sur son esthétique: la narration s’essouffle trop vite et manque parfois de rythme. Bien sûr, le long métrage se construit sur un schéma classique où les conflits qui animent ce groupe d’amis vont être mis à jour au fil des épreuves et où chacun devra s’affirmer et se révéler afin d’atteindre la surface. Cela ne suffit pas pour autant à captiver le spectateur, qui trouvera des longueurs à cette histoire. Ces problèmes de rythme sont en partie dues aux personnages qui ne sont pas forcément attachants et dont l’écriture peut parfois sembler fausse. Pourtant, certains arrivent à se démarquer dont Lunch Lady Loraine dont les répliques demeurent les plus marquantes. Malgré son côté divertissant, ce n’est sans doute pas le scénario qui marque le plus le spectateur. 

©My Entire High School is Sinking into the Sea, Dash Shaw

Ce qui définit le mieux My Entire High School is Sinking into the Sea dans son ensemble c’est donc son caractère mouvant, jamais complètement stable, à l’instar de ce que peuvent ressentir les adolescents transportés par leurs tourments personnels. La forme sert donc le propos et n’apparaît pas complètement détachée du fond du film. Le spectateur est poussé hors de sa zone de confort et passe d’une idée à une autre, face à une œuvre visuellement complexe. Les contours toujours très noirs des personnages laissent parfois déborder les couleurs. Les décors sont tantôt plus réalistes, tantôt très figuratifs. Le film est donc marqué par la recherche visuelle, parfois bancale mais qui apporte de la profondeur à cette narration classique et se démarque par sa capacité à proposer des ambiances et des ressentis différents par le biais de l’image et des couleurs.