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20th Century Women: Ode aux femmes du dernier siècle

I put my hand through the little window and he squeezed my finger and I told him life was very big and unknown (…) there were animals and sky and cities, music, movies. He’d fall in love, have his own children, have passions, have meaning, have his mom and dad.*

Soudain c’est déjà l’été. Santa Barbara, 1979, Jamie est élevé par sa mère, Dorothea. Le temps passe tandis que leur relation privilégiée semble se désagréger. Jamie pose un premier pied dans le monde des adultes, se met en quête d’indépendance et de lui-même. Afin que son fils ne lui échappe pas totalement, Dorothea demande à Julie et à Abbie de prendre part à son éducation.

Jamie caresse l’âge des grandes découvertes. Il commence à s’intéresser aux filles, à la musique, aux choses qui définissent un individu en tant qu’humain et entame une métamorphose tandis que son époque en subit une autre. La fin des années 1970 marque le déclin définitif d’une simplicité héritée du mode de vie hippie, Jimmy Carter s’apprête à laisser sa place à Ronald Reagan et les peurs vont évoluer. La peur écologique va prendre le pas sur le nucléaire, le SIDA va apparaître et à la frontière de ce monde nouveau, un disque des Talking Heads tourne. More Songs About Buildings and Foods, un album New-yorkais aussi chaud que l’été Californien, lui aussi, illustration d’une transition entre glam-rock et new-wave et symbole d’une identité générationnelle.

Le film est un concentré d’instants de vie insignifiants en apparence, mais pourtant essentiels pour ceux qui les traversent. Ce sont des instants de grâce, figés dans le temps aux portes de l’éternel. Ils posent certaines questions : comment grandir ? Comment vieillir ? 20th Century Women aborde le sujet de l’héritage au sens de l’empreinte que nous laissons sur Terre et rappelle que, plus important que des idées, plus qu’un sens de l’éducation, nous laissons des instants et des souvenirs.

De gauche à droite: Annette Bening (Dorothea), Elle Fanning (Julie), Greta Gerwig (Abbie) ©20th Century Women, Mike Mills, 2016, A24

Au travers d’un éloge de l’individu, Mike Mills glorifie l’humanité et la vie ; l’âge n’est plus une barrière entre les humains, ce n’est pas leur temps passé sur Terre mais leurs expériences qui les définissent en tant qu’individus. 20th Century Women montre l’existence telle qu’elle est : quelque chose qui est à la fois inexplicable et unique, sans jamais tomber dans une banalisation mièvre des joies quotidiennes, ni invoquer le cliché d’une époque parfaite aux travers d’archétypes. Mike Mills fait la part des choses entre son expérience et l’histoire qu’il raconte. Il dépeint, avec une sincérité propre à son cinéma, une galerie de personnages variés et authentiques, empreints de bonté dans un monde sauvage.

Il n’est pas un de nos actes qui, en créant l’Homme que nous voulons être, ne crée en même temps une image de l’Homme tel que nous estimons qu’il doit être (…) en me choisissant, je choisis l’Homme.**

L’année 1979 comme un manifeste de la décennie idéale, comme si celle-ci était la dernière année du monde. En proie à la renaissance des États-Unis comme l’empire de l’entertainment, elle nous rappelle que rien n’est éternel, pas même nous et que ce n’est pas grave. Car en fin de compte ce n’est pas la quête de l’infini qui est importante mais les leçons contenues dans l’éphémère.

T.

*J’ai mis ma main au travers de la petite fenêtre, il a pressé mon doigt et je lui ai dit que la vie était immense et inconnue (…) qu’il y avait des animaux, le ciel, les villes, la musique, le cinéma. Qu’il tomberait amoureux, aurait des enfants, des passions, du sens, sa mère et son père. (Extrait de la scène d’ouverture)

**L’Existentialisme est un Humanisme, Jean Paul Sartre, 1946, Gallimard