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Interview d’Alice Gandin : directrice des musées de la ville du Mans

Le 16 février 2021 la Directrice des musées du Mans, Madame Alice Gandin , nous a ouvert les portes de son bureau pour répondre à quelques-unes de nos questions concernant ses futurs projets face à la crise sanitaire. Madame Gandin, nouvellement arrivée à son poste, a pour projet de faire une réorganisation complète des musées de la ville du Mans.

Pour rappel, Le Mans compte 4 principaux musées dont :

Le musée de Tessé : musée des Beaux-Arts du Mans, il conserve une importante collection de peintures françaises, italiennes et flamandes du XIVe au XXe siècle et présente un espace unique consacré à l’Égypte ancienne.

Le Carré Plantagenêt : musée d’archéologie et d’histoire, il présente l’histoire du territoire sarthois de la Préhistoire à la fin du Moyen Âge. Le parcours déploie objets et vestiges issus de fouilles récentes et invite à découvrir le mode de vie de nos ancêtres.

Le musée Vert Muséum d’histoire naturelle, il présente la faune, la flore et la géologie locale.  Il aborde des thèmes d’actualité comme la biodiversité de la région.

Le musée de la Reine-Bérengère : situé au cœur de la Cité Plantagenêt, il rassemble des œuvres d’art et des objets liés à l’histoire de la région. Peintures, dessins et gravures évoquent Le Mans au XIXe siècle, avant les grandes transformations urbaines.

LTB : Quel est votre parcours professionnel ?

Alice Gandin © Paul-Emile Pacheco

AG : J’ai fait des études d’Histoire de l’Art à l’Université à Rennes 2 et ensuite à Paris 1 j’ai fait un DESS Histoire et Gestion du Patrimoine Culturel (aujourd’hui c’est un master pro). Je n’ai pas aimé l’approche en Histoire de l’Art à la fac je trouvais cela beaucoup trop descriptif, l’aspect catalogue et l’énumération des biographies des artistes ne me convenaient pas. Après mes études en Histoire de l’Art, j’ai réalisé une maîtrise des Sciences et Techniques Métiers d’Exposition à Rennes 2 : on était une promo de huit en patrimoine et ils étaient douze en art contemporain. C’était comme un apprentissage : on a dû réaliser une exposition de A à Z en deux ans dans un musée

On était producteurs d’une exposition temporaire et on devait tout faire : rechercher la  documentation, les partenaires, les financements, mais aussi réaliser un catalogue ou rédiger des notices, s’occuper de la muséographie et de la médiation. Je me suis dit que je donnais enfin un sens pratique à mes études. Le sujet m’a passionné, on a travaillé sur l’histoire du tourisme en Bretagne avec une réelle vision historique et sociologique de la civilisation. Et je me suis dis que je voulais en faire mon métier : j’ai eu un déclic !

Je suis partie à Paris pour faire mon DESS et là-bas j’ai fait plein de stages. J’ai travaillé au MUCEM à Marseille et aussi dans une galerie d’art contemporain à Paris. J’ai fait des contrats de commissaires d’exposition : j’ai toujours été dans la production d’expositions. J’ai passé des concours de la fonction publique : j’ai déjà été attachée de conservation du patrimoine en 2000. J’ai eu mon premier poste à Caen au musée de Normandie musée d’Histoire et d’Ethnologie. J’étais responsable d’une collection mais également en charge de la conception d’expositions temporaires comme celle en 2012 : « Dentelle, quand la mode ne tient qu’à un fil ».

J’ai toujours voulu travailler dans un grand musée. Je suis restée 17 ans à Caen. Par la suite, j’ai passé le concours de conservateur (4 fois en externe!) mais je ne l’ai pas réussi. En 2010 je l’ai retenté et je l’ai obtenu à 37 ans. Mon souhait était de travailler dans une collectivité, j’ai trouvé ce poste au Mans et j’y suis depuis un an et demi.

LTB : Quelles sont vos missions en tant que Directrice des musées du Mans depuis que vous êtes arrivée ?

AG : C’est un poste de coordination, d’élaboration d’une stratégie patrimoniale et culturelle pour tous les musées du Mans. J’ai une vision d’ensemble sur les musées : je fais en sorte que les musées aient des propositions communes concertées : que ce soit pour les collections, pour le service des publics, la programmation des expositions… Je gère également l’administration, le personnel, les budgets.

En tout, on est 65 professionnels dans l’équipe et mon travail est d’assurer une bonne coordination dans l’ensemble. On a repensé l’organigramme car avant il n’y en avait pas du tout : d’ailleurs j’ai été recrutée pour ça, pour repenser toute l’organisation interne, par pôles.

Cette réorganisation a pour objectif d’optimiser les moyens et d’apporter une meilleure collaboration pour mieux travailler ensemble. 

La difficulté des musées du Mans est d’être dans des bâtiments séparés. Mon travail est de trouver des outils pour que l’information circule facilement, de penser à faire des réunions et de transmettre l’information efficacement. Mon rôle consiste à créer une identité commune aux quatre musées du Mans.

LTB : Comment gérez-vous les musées au temps de la crise sanitaire ?

AG : Il faut faire vivre les musées en temps de fermeture mais c’est dur. La programmation est compliquée d’autant que je suis arrivée en août 2019 et que l’on a été confinés en mars 2020. Depuis, je change la programmation tous les 1 à 2 mois, on repousse des exposition ou on en annule. En janvier 2021, j’ai dû en annuler deux pour cet été dont une sur les photographies d’Égypte qui devait se dérouler au 1er étage au musée de Tessé. Nous avons hâte de pouvoir rouvrir mais dans quelles conditions ? Doit-on organiser des expositions par groupe de six ? C’est assez prise de tête. Toutefois, le fait que les musées du Mans deviennent gratuits va être le gage d’une augmentation de fréquentation certaine dès la réouverture. 

Le projet de réorganisation des musées nous a demandé beaucoup de travail au cours de ces mois de confinement.

LTB : Pouvez-vous nous parler de cette métamorphose future des musées du Mans ? Vous comptez faire 3 musées en 4 ?

AG : Ce projet s’est décidé l’été dernier. Monsieur Stéphane Le Foll, Maire de la ville du Mans depuis juin 2018, a des ambitions culturelles affichées et souhaite impulser une nouvelle politique muséale

A mon arrivée, j’avais fait un diagnostic sur les différents musées du Mans qui a mon sens requéraient un fort besoin muséographique à tout point de vue. Pour exemple, le musée de Tessé, ne possède pas de salle pour les expositions temporaires, il a une faible superficie et la zone d’accueil est à revoir. La muséographie du Musée Vert date de 1995. Quant au musée de la Reine Bérangère dont l’accessibilité est difficile, son taux de fréquentation est très bas, il faut y remédier.

Le Maire à la volonté de transformer l’hôtel particulier de Tucé en musée de la ville. Il est situé dans la cité Plantagenêt, cœur historique de la ville, à proximité de la cathédrale et  bénéficie d’une très bonne localisation. 

Cette réorganisation des musées va prendre au moins 10 ans et elle a plusieurs buts : 

  • Le musée Vert et celui de la Reine Bérengère vont fermer, leurs collections vont être transférées. Le musée du Carré Plantagenêt sera consacré à l’Homme et à la nature, à cette occasion les collections du musée Vert y seront transposées. 
  • L’hôtel de Tucé reviendra sur l’histoire de la ville du Mans de la cité de l’Antiquité jusqu’au XXe siècle. Les collections du musée de la Reine Bérengère y seront transférées ainsi que certaines de celles du Carré Plantagenêt.

Donc il ne restera que 3 musées :

  • Le musée de Tessé : le musée des Beaux-Arts de la ville du Mans.
  • L’hôtel de Tucé : le musée d’histoire du Mans.
  • Le musée de l’Homme et de la Nature (ancien Carré Plantagenêt)

Aujourd’hui, mon travail est de rédiger un projet scientifique et culturel : c’est aussi penser à la stratégie numérique d’un musée pour demain, quel positionnement en terme d’établissement culturel pour les Manceaux, quel rayonnement, quelle programmation pour le musée des beaux arts et que faire de ses salles consacrées à l’Égypte ? Mais aussi comment répartir et déployer les collections car au musée de Tessé seulement 10 % des collections sont présentées. 

En plus de cela, la ville du Mans est sur la liste pour figurer comme capitale culturelle de France en 2022, cela nous donne encore plus de travail (à l’heure où nous publions l’article, le Mans n’a pas été retenu c’est la ville de Villeurbanne dans le Rhône qui a remporté ce label qui rapporte un soutien d’un million d’euros pour la mise en œuvre du projet défendu dans leur candidature).

Les musées sont peut-être fermés, mais au Mans c’est l’effervescence. La ville s’est lancée dans un vaste chantier de réorganisation des quatre musées municipaux pour donner envie à la population et aux touristes de redécouvrir les richesses de ses collections.

Je tenais à remercier  particulièrement Madame Alice Gandin de m’avoir accordé son temps lors de cette interview. 

Pour plus d’information sur la réorganisation des musées du Mans n’hésitez pas à consulter ce lien :

Le Mans lance une réorganisation de grande ampleur de ses musées (francetvinfo.fr)